Abbatage des bouquetins en Haute-Savoie : encore une polémique scandaleuse

Le 3 septembre 2014 à 15h13

Bonjour à tous,

Je viens de lire que le préfet de Haute-Savoie a ordonné l’éradication de tous les bouquetins de cinq ans et plus dans le massif du Bargy, à dater d’aujourd’hui et pendant un an, afin de lutter contre la brucellose (au nom d’impératifs économiques, sic !).

Or il semblerait que rien ne vienne soutenir scientifiquement une telle mesure radicale, si l’on en croit l’article suivant et ses sources :

http://ecologie.blog.lemonde.fr/2014/09/03/polemique-autour-de-labattage-massif-des-bouquetins-de-haute-savoie/

Si certains d’entre vous ici habitent dans le coin et ont les moyens d’alerter leurs élus pour faire cesser ce massacre innommable, n’hésitez pas !

Une remarque de bon sens : si à chaque épidémie humaine on éradiquait les foyers infectieux de la même manière, il n’y aurait plus tant de monde que ça sur Terre... À méditer !

Réponses

  • par Le 3 septembre 2014 à 22h28

    Il faut sauver le reblochon ! Qu’est il advenu du vaccin contre la brucellose ?

  • par Le 6 septembre 2014 à 21h08

    Merci pour l’info Julien.

  • par Le 8 septembre 2014 à 23h08

    Vaccination contre la brucellose

    La brucellose des ruminants est une maladie infectieuse causée par une bactérie (Brucella) qui provoque l’avortement. D’abord identifiée, à Malte en 1887, en tant que maladie humaine (fièvre ondulante), elle est considérée par l’OMS comme une zoonose bactérienne majeure, transmissible à l’homme par consommation de produits laitiers crus infectés ou par contact lors d’une mise bas infectieuse. Si la brucellose des bovins est aujourd’hui en bonne voie d’éradication en Europe, celle des petits ruminants (ovins et caprins) demeure par contre un problème préoccupant dans tous les pays méditerranéens de la Communauté.

    Une prophylaxie difficile

    La lutte contre la brucellose des animaux repose essentiellement sur des méthodes de prophylaxie médicale (vaccination) et/ou sanitaire (dépistage et abattage des individus infectés). Le choix de la prophylaxie la mieux adaptée (médicale, sanitaire ou mixte) doit prendre en compte la prévalence de l’infection et le risque de contagion inhérents à la région considérée. Quand la prévalence est forte et/ou le risque de contagion non maîtrisé - par exemple dans les zones montagneuses de transhumance -, la vaccination généralisée s’impose. Quand, au contraire, la prévalence est basse (inférieure à 1%) et le risque de contagion bien maîtrisé, la vaccination devient superflue. Il faut alors lui préférer une politique sanitaire de dépistage et d’abattage des individus infectés, qui permet d’aboutir à terme à l’éradication complète de l’infection.

    En France, la prophylaxie de la brucellose bovine est réglementairement de type sanitaire, eu égard au faible taux de prévalence nationale de l’infection dans cette espèce. La brucellose des petits ruminants (ovins et caprins), plus préoccupante, divise le pays en une zone nord, à prévalence faible, ne requérant qu’une prophylaxie de type sanitaire et une zone sud, à prévalence élevée, nécessitant le recours à la vaccination.

    La prophylaxie sanitaire repose sur un dépistage essentiellement immunologique des animaux infectés. Les épreuves sérologiques (Rose Bengale, Fixation du complément...), les plus utilisées, détectent les anticorps dirigés contre le lipopolyoside de surface (LPS-S) des souches de Brucella de type lisse. L’épreuve cutanée allergique révèle l’état d’hypersensibilité de type retardée induite, tant chez l’homme que chez l’animal, par la brucellose. La mise au point par l’INRA d’un allergène, dénommé "brucelline-INRA", permet la réalisation d’un diagnostic allergique efficace, inoffensif et n’induisant pas d’anticorps détectables par les épreuves sérologiques usuelles. L’emploi simultané des épreuves sérologique et allergique améliore le dépistage et permet d’accéder plus rapidement à l’éradication.

    Deux types de vaccins ont été proposés pour la prévention de la brucellose des animaux : des vaccins inactivés (H38, 45/20), aujourd’hui abandonnés, et des vaccins vivants atténués. Les vaccins vivants B19, souche de B. abortus naturellement atténuée, et Rev.1, souche de B. melitensis obtenue par mutation induite au laboratoire, sont, depuis des années, les piliers de la vaccination anti-brucellique, le premier des bovins, le second des ovins et des caprins. Leur efficacité est unanimement reconnue dans le monde entier. Ils sont classiquement administrés par la voie sous-cutanée, aux doses de 60-90 x 109 et 1 x 109 bactéries vivantes, pour B19 et Rev.1 respectivement. Ils induisent malheureusement, dans ces conditions, une réponse sérologique d’autant plus durable que la vaccination est pratiquée à un âge avancé, ce qui restreint celle-ci aux jeunes animaux, tout en sachant que chez 1 à 2% d’entre eux, néanmoins, les anticorps persisteront jusqu’à l’âge adulte. Il y a donc incompatibilité entre un usage indiscriminé des vaccins B19 et Rev.1 par la voie classique sous-cutanée, à la dose standard, et une politique d’éradication par abattage des animaux réagissant aux épreuves du diagnostic sérologique de la brucellose.

    L’apport de la vaccination conjonctivale

    Face à cette situation paradoxale, deux modifications du protocole vaccinal, portant sur la dose ou sur la voie d’administration, ont été proposées pour tenter de réduire la durée de la réaction sérologique post-vaccinale.

    L’utilisation d’une dose vaccinale réduite atténue l’intensité et la persistance de la réponse sérologique, sans diminution notable de l’immunité, mais elle ne supprime pas pour autant les risques d’avortement liés à l’utilisation de la voie sous-cutanée chez les femelles gestantes.

    Le procédé de vaccination conjonctivale, mis au point par l’INRA, permet de pallier les inconvénients liés à l’utilisation classique des vaccins vivants anti-brucelliques. Le dépôt du vaccin sur la conjonctive de l’oeil restreint en effet la dissémination de la souche vaccinale aux ganglions de la région cervicale, ce qui, tout en induisant une immunité solide, limite la réaction sérologique qui ne persiste généralement pas au-delà de 4 mois, bien qu’il puisse y avoir des exceptions, particulièrement en milieu infecté. Le procédé conjonctival rend donc l’utilisation des vaccins B19 et Rev.1 compatible avec les mesures de prophylaxie sanitaire. Il diminue de plus, de façon significative, mais sans le supprimer complètement, le risque d’avortement si la vaccination est pratiquée au cours de la gestation.

    Une licence exclusive d’exploitation du brevet concernant l’application du procédé conjonctival à la vaccination des petits ruminants a été concédée à la Société Vétoquinol. Celle-ci assure la commercialisation d’un vaccin Rev.1-conjonctival à l’usage des ovins et des caprins (Ovirev) qui, en raison de ses nombreux avantages, tend à supplanter le Rev.1-sous cutané.

    En dépit de l’amélioration apportée à leur utilisation par le procédé conjonctival, les vaccins vivants actuels, parce qu’ils induisent un type de réponse immunitaire identique à celle résultant d’une infection sauvage, ne se prêtent pas à la mise au point d’un diagnostic spécifique des seuls animaux infectés.

    Il faut donc s’orienter vers l’obtention de vaccins de nouvelle génération, issus du génie génétique, qui, outre leur capacité à conférer une excellente immunité de protection, devront induire une réponse sérologique qui leur soit spécifique et différenciable sans ambiguïté de celle associée à l’infection naturelle. Ceci est la condition nécessaire à la réalisation du vieux rêve, non encore réalisé, de tout "brucelliste" de pouvoir enfin distinguer sans ambiguïté les animaux vaccinés de ceux qui sont infectés.

    Vers de nouveaux vaccins

    Dans cet esprit, les recherches de l’INRA se sont d’abord orientées vers la caractérisation, chez les Brucella, d’antigènes protecteurs et d’antigènes de diagnostic indépendants, préalable indispensable à l’élaboration de vaccins nouveaux répondant à cet impératif. Les progrès déjà réalisés, dans ce domaine et dans celui de l’étude de la réponse immunitaire de l’hôte, ainsi que ceux que l’on attend des recherches en cours, dans les 10 prochaines années, permettent d’esquisser les contours de ce que pourraient être quelques-uns des vaccins de l’an 2000 : vaccins semi-synthétiques constitués, par exemple, par le couplage de deux composés purifiés de la membrane externe (polyoside et PME), conjuguant leurs effets protecteurs ; vaccins recombinants construits par clonage du gène d’une molécule protectrice dans un vecteur d’expression adapté (E. coli, B. subtilis...) ; vaccins vivants classiques (B19, Rev.1) modifiés par mutagenèse dirigée pour, par exemple, déléter de leur génome le gène d’une molécule utilisée comme antigène pour le dépistage sérologique spécifique des animaux infectés, sans pour autant modifier leur pouvoir protecteur. Les premiers résultats obtenus, dans le modèle souris, avec les "prototypes" de certaines de ces constructions vaccinales potentielles sont prometteurs et incitent à persévérer dans ces voies de recherche.

    Laboratoire :

    INRA - Tours : Laboratoire de Pathologie Infectieuse et d’Immunologie
    37380 Nouzilly

  • par Le 8 septembre 2014 à 23h22

    On ne plaisante pas avec la Brucellose.

    Le meilleur moyen d’éviter les cas de brucellose humaine est d’agir directement sur le réservoir animal afin d’éradiquer l’épizootie et donc la transmission à l’homme. Il existe en France une règlementation consistant en une surveillance régulière des troupeaux de bovins, ovins et caprins par dépistages sérologiques réguliers. Les animaux séropositifs sont abattus et en cas de troupeau très infecté, le directeur des services vétérinaires départementaux peut décider de l’abattage de la totalité du cheptel. La vaccination des animaux contre la brucellose est interdite en France car elle fausse le dépistage par sérodiagnostic (ce sont les anticorps vaccinaux qui sont décelés). Enfin, seule l’importation d’animaux issus de troupeaux reconnus indemnes est autorisée.

    Peut-être devrait-on plutôt se demander pourquoi on voit de moins en moins de chamois au-dessus de Bessans.

    D"après un habitant de la vallée, bien informé, la population diminue régulièrement.

    Et pourtant, le plan de chasse annuel reste constant : adultes, eterlous, cabris.

    Le permis de chasse au chamois serait très cher et ceci explique peut-être cela.

  • par Le 9 septembre 2014 à 09h33

    Bonjour à tous,

    Merci de vos retours, ça fait plaisir de voir que ça fait réagir. Alain, ce que tu as posté est très instructif, merci !

    Manifestement le point de friction vient du fait que l’abattage ordonné est systématique, sur les bouquetins infectés (logique ça) ET sur les bouquetins sains : « tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens »

    Je trouve ça vraiment nul :(

  • par Le 9 septembre 2014 à 09h52

    Tout cela m’écœure, l’abatage d’espèces soi-disant protégées devient un sport à la mode ces derniers temps ! Pour sûr que les fanas de la gâchette ont du se régaler.
    De nombreux articles démontrent que l’abattage de masse n’est pas la meilleure solution et le risque minime sur la santé humaine. Mais on se doute bien que lobbies et compagnie sont passés par là...une fois n’est pas coutume !

  • par Le 9 septembre 2014 à 10h39

    Galipette avait posé une question sur le vaccin contre la Brucellose, j’ai donné la réponse. La vaccination est interdite.

    L’abattage systématique n’est pas propre aux bouquetins mais c’est une réglementation qui s’applique aussi au cheptel des éleveurs.

    L’intérêt n’est-il pas d’éviter que la maladie se répande aux autres massifs ?

    Je ne défends pas l’abattage systématique. Je ne le condamne pas non plus. Je n’ai pas les connaissances nécessaires pour prendre une position tranchée.

    Et depuis que les écologistes font de la politique, je me défie de leurs prises de positions. Certaines sont justifiées, certaines sont électoralistes.

  • par Le 9 septembre 2014 à 11h25

    Depuis que les politiciens font de la politique, certaines de leurs positions sont justifiées, d’autres électorales, c’est vieux comme le monde et ce n’est pas une spécificité de l’écologie politique.
    Principe de précaution pris à la hâte, sans concertation, dans le sens des lobbies ou choix judicieux pour éradiquer l’épidémie ?
    J’admets que je n’en suis pas absolument certain, mais en observant ce qui se passe en ce moment, on peut légitimement douter.
    En revanche, ce qui est certain c’est que la faune sauvage n’est pas à la fête ces derniers temps… avec ou sans brucellose !

  • par Le 9 septembre 2014 à 11h57

    Et pas de réaction sur les chamois de Bessans ?

  • par Le 9 septembre 2014 à 12h59

    Quelques infos complémentaires. Le vaccin Rev1 contre Brucella privilégié chez les petits ruminants est encore un peu virulent. Dans un pays indemne de brucellose, comme c’est le cas de la France, on ne vaccine pas car on rend les animaux positifs aux tests de dépistage. De plus, on ne connait pas la virulence résiduelle chez le bouquetin des souches vaccinales et qu’il n’est pas exclu qu’elles soient pathogènes pour cette espèce. Enfin, l’abattage systématique des troupeaux infectés chez les animaux domestiques a été la solution à l’éradication de la brucellose dans nos contrées, ce qui pourrait expliquer la procédure employée actuellement. Peut-être d’autres infos suite au congrès Brucellosis 2014 qui se tient actuellement à Berlin. Affaire à suivre ...

  • par Le 9 septembre 2014 à 14h31

    Dommage que le vaccin ne soit pas au point.
    Je pense que le syndrome « vache folle » est resté dans les mémoires et j’imagine le drame que cela doit-être pour un éleveur de liquider tout le cheptel.
    Ce qui choque c’est l’abatage aussi radical d’un nombre conséquent d’animaux en milieu sauvage. Le milieu naturel n’étant pas aussi confiné qu’une grange, il est probable que beaucoup d’animaux qui ne sont pas malades passent à la trappe !
    Sacrifiés sur l’autel de la prévention, du moindre coup, de l’ignorance ou de quelques lobbies… Difficile de faire la part des choses.
    Espérons que la précipitation soit judicieuse et que les animaux effarouchés ne changent pas de massif pour contaminer les autres.

  • par Le 9 septembre 2014 à 14h52

    Abattage – moindre coût… la précipitation n’a pas que du bon 🙂

  • par Le 9 septembre 2014 à 15h14

    Bonjour,
    Pour les Bouquetins du Bargy,je ne suis pas compétent pour avoir une position bien tranchée, mais je déplore le fait que l’on en arrive à cette extrémité.
    Concernant les chamois de Bessans : la diminution des chamois est constatée en Maurienne sur la rive droite de l’Arc depuis quelques années. cf comtage du PNV ci-dessous :
    http://www.vanoise-parcnational.fr/fr/connaitre-le-territoire/faune
    /80.html

    Par contre il n’est politiquement pas correct de faire un lien avec la raréfaction des chamois et l’élevage extensif des moutons en Haute Maurienne (dans une zône Beaufort ???) de parler des chiens de berger, des patous dans le parc.
    Pour le moment le gypaète est tranquille mais dans quelques années il risque d’être également ciblé comme les autres vautours qui commencent à survoler la Savoie. Restera peut être les marmottes qui font des trous dans les pâturages et vont également causer des dégâts aux troupeaux comme à St Véran ou dans les Pyrénées.
    Je ne suis pas optimiste pour l’avenir de la biodiversité dans nos montagnes.

  • par Le 11 septembre 2014 à 20h01

    Voici un article intéressant qui prend en compte toutes les facettes du problème. Il semble que les erreurs se répètent et que la pression des éleveur soit la cause de cette précipitation (et hécatombe).
    Cela dit, l’article nuance certains aspects du problème.
    http://www.humanite-biodiversite.fr/article-asso/les-bouquetins-du-bargy-en-sursis

  • par Le 12 septembre 2014 à 09h59

    Au risque de recouper quelques éléments déjà évoqués, les vaccins actuels sont vivants atténués mais encore pathogènes pour l’homme et abortifaciens pour les femelles gestantes. De plus, on ne dispose d’aucune donnée sur l’efficacité du vaccin "mouton" ou "bovin" sur des ruminants sauvages. Le contrôle actuel se base donc sur la surveillance et le dépistage mais, de toute évidence, l’importante prévalence de la maladie dans le Bargy montre que ces mesures ont été insuffisantes, ce qu’indique une étude récente

  • par Le 13 septembre 2014 à 17h39

    Ayant attrapé la brucellose en 85 il existait à l’époque un vaccin "humain" Bio-Mérieux efficacité estimée à 50°/° et qui était aussi utilisé dans le cadre de désensibilisation (très efficace en ce qui me concerne) des personnes ayant été atteintes par cette maladie aux séquelles d’autant plus lourdes que le diagnostic est délicat.

  • par Le 13 septembre 2014 à 18h25
  • par Le 24 septembre 2014 à 09h26
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