Aiguille Doran (3040m), Arête Nord

Difficulté :
Alpinisme AD
Dénivelé :
1140m
Durée :
1 jour

Aiguille à l'allure archétypique vue du fond de la vallée. Cette superbe pointe est une invitation à l'escalade. Son arête Nord présente un profil moins flatteur. Elle réserve un parcours d'arête de toute beauté, aux passages aériens, sur le fil, ou dans des dalles, au cœur du Parc National de la Vanoise. Tout au long de ce parcours aller-retour, nous partageons les vires et arêtes avec les bouquetins, les choucas et même des gypaètes, 2000m au dessus de Modane...Quelle vue plongeante ! Le rocher d'excellente qualité, le parcours bien protégé, en font une traversée d'arête magnifique, sans stress ni engagement. – Auteur :

Accès

Autoroute A43 sortie "Modane", ou D1006 jusqu’au Freney", 1km en aval de Modane.
Prendre au rond-point à gauche la D106 direction "parc national de la Vanoise".
Traverser St-André, passer "le col" et poursuivre jusqu’au bout de la route, au refuge de l’Orgère, porte du PNV, départ de la course.

Les infos essentielles

Carte : IGN TOP25 3532 ET

Difficulté : AD inf, escalade en 3b/3c, un beau passage aérien en 4b, un superbe passage sur le fil de l’arête en 3c. Equipement discret, relais équipés.

Dénivelée : 600m

Horaire :
du barrage du Saut à l’attaque de la voie (en passant par le "plan du Cheval") 1h30,
escalade de l’arête ouest (cote 2809m) 2h à 2h30,
traversée de l’arête intégrale (cote 2837m) 1h,
descente au barrage du Saut 1h.
Total : 6h environ.

Matériel : corde pour des longueurs de 45m (la première), 6 dégaines, 4 sangles, jeu de petits coinceurs, chaussons d’escalades facultatives.

Sensibilisation

Le milieu que vous traversez durant cette randonnée est fragile. Faites attention à la flore et ne dérangez pas la faune locale. Rapportez vos déchets et ramassez ceux que vous trouverez. Vous soutiendrez ainsi le mouvement KeepTheMountainsClean, une initiative Altituderando !

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Itinéraire

Parcours d’arête aérien, assez long en aller-retour, depuis le col du Ravin Noir, à réaliser à la journée depuis le refuge de l’Orgère. Voie équipée (piton, spit, chaîne pour les rappels), rocher adhérent de très bonne qualité.

Le parcours d’arête se fait léger car on laisse du matériel au départ de la voie.

  • Carte : IGN 3534 OT
  • Difficulté : AD, voie assez constante dans le 4, quelques pas de 4c mais pas plus difficile.
  • Dénivelée : 1140m (sans compter les montées et descentes sur l’arête).
  • Horaires :
  • Du refuge de l’Orgère au plateau (cote 2784), 2h à 2h30
  • Du plateau au col du Ravin Noir, 0h30 à 0h45
  • Du col du Ravin Noir au pied de l’arête, 0h15
  • Parcours de l’arête nord aller-retour 5 à 6h
  • Descente du col du Ravin Noir à l’Orgère, 1h30 à 2h
  • Total 9 à 11h (une bonne journée !)
  • Matériel : bonnes chaussures pour l’approche, chaussons d’escalade appréciables pour l’arête (mais se fait en "grosse"), 6 dégaines, 4 à 6 sangles, jeu de petits coinceurs (au cas où !), corde 60m mini (les rappels n’excèdent pas 30m)

Descriptif

Du refuge de l’Orgère, suivre la piste jusqu’au fond du vallon et prendre le "sentier Nature".

Le quitter quand il part à droite (en montant) à la cote 2000, et suivre le sentier du col de la Masse (nombreux lacets, passage sous un rognon rocheux vers 2500m), jusqu’au "plateau", cote 2784m.

Sur le plateau viser la grande pente raide en schistes noirs du col du Ravin Noir, la remonter par une sente assez marquée.
On arrive sur l’arête nord de l’Aiguille Doran.

Remonter entre de gros blocs l’arête jusqu’à ce qu’elle s’effile, alors commence la partie "escalade".

Traversée de l’Arête nord de l’Aiguille Doran :

Poursuivre quelques mètres versant Orgère dans des vires faciles.

Quand le rocher devient compact, monter dans des dalles faciles pour rejoindre le fil de l’arête que l’on va suivre au plus proche jusqu’au sommet (ne pas chercher à partir sur un versant ou l’autre).

On bute alors sur un à-pic, relais et chaîne pour un rappel de 30m (on trouve des spits que l’on utilisera au retour pour remonter ce pas 30m-4b/4c)

Le rappel dépose dans une brèche.

Partir en face dans des dalles fracturées puis plus compactes (2 longueurs de 25m) jusqu’à une autre brèche au nord du piton sommital (quelques spits, 3c/4a).

Partir plein sud sur le fil du rasoir de l’arête (25m, sur le fil, 3 spits), magnifique !

Au bout du rasoir, descendre 30m dans un couloir versant ouest pour trouver une vire qui amène au pied du ressaut terminal du piton sommital (passage en désescalade exposé).

Remonter en opposition un dièdre athlétique (25m 4c), relais sur une vire.

Remonter les dalles inclinées sommitales (30m 4b), relais au sommet ou sur l’un des 3 grands béquets caractéristiques.

Au retour, les parties "escalades à la montée" se fond en rappel sauf les dalles sommitales qui se descendent facilement par des vires très faciles.
Le plus beau passage est le passage terminal (le premier rappel à l’aller), excellente escalade aérienne verticale de 30m en 4b/4c très bien protégée.

Du col du Ravin Noir, on suit le cheminement de montée qui ramène au refuge de l’Orgère.

Récit de l’ascension

L’Aiguille Doran, c’est elle ! C’est elle cette fière aiguille pointue, un peu massive mais aux formes parfaites que l’on voit depuis le fond de la vallée, juste après avoir passé la gare à Modane.

Une telle forme, une telle élégance, c’est une invitation à la montagne, à l’escalade.

Et c’est bien là que nous décidons d’aller ce week-end de la mi-juillet.

C’est tout le clan Lamotte qui nous retrouve cette fin de semaine, Jérôme bien sûr et Rémi, mais Thibaud se joint à nous, il ira sur le col de Chavière avec Fred.

Ce week-end du 14 juillet est beau et chaud, nous montons passer la soirée au refuge de l’Orgère, où nous craignons la foule. Mais il n’en est rien, la montagne ne semble plus attirer les foules.

La soirée se passe détendue dans le calme de ce vallon alpestre de toute beauté.

La fière aiguille nous domine de sa flèche pointue, et comme pour lui répondre, le massif Râteau d’Aussois, aux formes angulaires, écrase le vallon juste devant nous.

Les verts tendres des alpages contrastent avec le drapé sombre des pins cembro, d’où émane, léger dans l’air chaud de cette fin de journée, un parfum de résine aux senteurs méditerranéennes.

Le contraste des couleurs s’associe à celui de la lumière, lorsque l’astre du jour enflamme l’Aiguille de Scolette de l’autre côté de la vallée.

Nous l’aurons eu notre feu d’artifice du 14 juillet, un festival de couleurs et de senteurs.

Comme on atteint le refuge en voiture, nous avons monté le repas du soir et tout le confort qui va avec. Je n’ai plus de souvenir exact de cette soirée si ce n’est ces couleurs associées aux parfums légers de la montagne.

Nous avions fait cette course un automne il y a bien longtemps avec Jérôme. J’ai gardé de cette arête un très fort souvenir, c’était aérien, beau, sans être difficile, c’était soutenu, et puis la longueur…Oui la longueur, car en fait, on la fait à l’aller et au retour cette arête, depuis le col du Ravin Noir. Et puis ce couloir en face ouest pour retrouver la tour sommitale… Je me souviens d’un passage pas évident à trouver et j’étais sûr de m’être trompé à l’époque. Il s’avérera que nous referons exactement le même passage, donc il est fort possible que c’était le bon !

Bref les souvenirs reviennent, lointains et confus, mais à l’évidence, j’ai très envie d’y retourner.

Demain, il faudra juste attendre demain matin pour revivre l’aventure, certainement différemment car nous serons trois et à chaque ascension ses temps forts !

Nous sommes tous ensemble dans le dortoir et chacun vient s’y coucher à son heure, Rémi fermant la « marche » comme d’habitude.

Nous avons convenu de partir du refuge à 6h afin de remonter le vallon de l’Orgère jusque sous le col de la Masse par les raides pentes, avant que le soleil nous atteigne.

La pente est raide, longue et soutenue jusqu’au plateau sous les cols. Cette montée, je la connais bien, j’ai mes repères, cela aide à se positionner dans le temps et dans l’espace. Et puis cela permet de doser l’effort.

Il fait frais ce matin et c’est agréable de marcher. Au fond du vallon sous l’altière aiguille le sentier remonte dans la forêt, c’est vert, frais, une sensation de bien-être accompagne chacun de mes pas. Puis d’une manière assez brutale les pins Cembro laissent la place aux alpages le long du torrent de l’Orgère, enfin, des alpages ?… C’est un amalgame de rochers et pierres de toutes tailles descendant de l’Aiguille Doran ou du Râteau d’Aussois qui se partagent l’espace avec de maigres touffes de grandes herbes, de rhododendrons en fleurs et autres arbustes ras dont les myrtilliers qui foisonnent.

La montée est rude, et comme chaque fois je prends garde de ne pas m’exploser, surtout en voyant Rémi, comme d’habitude s’échapper vers la lumière.

C’est sur un grand plateau à 2750m, sous le col de la Masse, que le col du Ravin Noir et l’arête nord de l’aiguille se présentent enfin dans leur plus parfait développement.

Le soleil est enfin là, une saine douceur nous envahit.

La lumière limpide laisse rapidement la place à une chaleur piquante qui nous accompagne pendant la montée du versant sud du Col du Ravin Noir.

La pente est très raide dans des éboulis et des schistes friables, mais la sente bien marquée est assez confortable. Nous commençons à voir les premiers bouquetins. Ils sont nombreux dans l’Orgère, et je suis assez impatient de les retrouver.

Du col la vue commence à être très dégagée sur les hauts sommets alentour (la Dent Parrachée qui bien sûr domine tout, l’imposante Aiguille de Scolette de l’autre côté de la vallée, et les masses imposantes de la Pointe de l’Échelle et le massif de Péclet-Polset).

C’est tout simplement très beau, que rajouter d’autre ?

Nous commençons à remonter une croupe qui se raidit et s’amincit au fur et à mesure que l’on progresse sur l’arête nord de l’Aiguille Doran, jusqu’à un promontoire rocheux d’où il est évident qu’il est le début de la voie.

C’est à cet endroit que nous nous équipons.

C’est toujours un moment particulier que celui où l’on s’équipe du matériel d’escalade ou d’alpinisme.

C’est comme si l’on changeait d’univers, on passe d’un monde à un autre. D’un monde où l’on se déplace librement dans l’espace comme dans le temps, à un monde plus rigide dans ses règles de déplacement, contrainte d’un horaire à tenir, de techniques de progression, de recherche d’itinéraire… non ce n’est plus un monde de liberté, c’est un monde qui n’est pas le nôtre, où nous devons apprendre les règles, où nous devons nous adapter. C’est un monde qui n’est accessible qu’à ces conditions…

C’est tout à ces considérations, que soudain je vois surgir de derrière la tour sommitale un gypaète barbu. Il glisse dans l’air, toutes ailes déployées. Il est splendide, quelle envergure ! J’aurai juste assez de temps pour le « mettre dans la boîte ».

L’escalade proprement dite commence, je marche en tête, Jérôme et Rémi suivent en V.

Je n’ai plus la chronologie des passages. Je me souviens qu’il y a une marche sur une arête facile mais aérienne au début qui nous amène au premier rappel.

Comme nous tirons des longueurs, le temps passe très vite.
Le soleil est déjà haut lorsque l’on attaque le ressaut sommital. Deux petites longueurs sympas nous amènent sur le versant ouest avec un superbe passage sur un râteau de chèvre.

Le passage est extraordinaire, on le souhaiterait sans fin.

Nous sommes alors au sommet du fameux couloir. Je m’en souviens maintenant très bien.

De toute évidence il faut s’y engager. Il n’est pas difficile, mais très aérien, et la chute ne pardonnerait pas.

Je ne veux pas descendre au fond, car je sais que j’y trouverai une traversée aérienne que je ne pourrais pas protéger. Alors à mi-descente je m’engage sur des dalles lisses, très adhérentes sans protections. Dans un pas plus fin je cale. Il n’y a que deux ou trois mètres à parcourir pour trouver une vire sécurisante et retrouver le dièdre de la tour sommitale. Mais je n’arrive pas à faire le pas que je trouve engagé.

Je reviens sur mes pas et nous descendons le fond du couloir, probablement comme nous l’avions fait il y a des années.

L’escalade se poursuit par des vires, un grand dièdre à la sortie étonnante et par les dalles couchées qui nous amènent au sommet.

J’ai un souvenir agréable de cette partie, enchaînement des gestes, trouver les quelques spits ou pitons, faire les relais…

Et le sommet ? Fin, élégant, pointu, avec une vue panoramique !

Nous ne resterons pas là-haut, il est déjà tard, 14h passées, et il faut faire le chemin en sens inverse.

Nous poserons plusieurs rappels dans chaque passage d’escalade finalement, et il en faudra 6.
Ce sont des manœuvres de cordes longues à faire, et qui demandent pas mal de concentration et d’attention.

La lourde chaleur de l’après-midi pèse maintenant avec la fatigue qui apparaît. Chacun souhaite en voir le bout.

Le dernier ressaut que nous avions descendu en rappel ce matin, se présente, c’est la dernière difficulté. Un bon 4b/4c, sur 30 mètres, aériens et bien protégés. C’est peut-être le plus beau passage d’escalade de cette course d’arête.

Mais comme on le passe en toute fin d’ascension, il semble plus sévère que les autres !

Mais quelle sensation dans la douce lumière de fin d’après-midi. Les cumulus sortent de partout et quelques fines nuées viennent nous envelopper dans ce passage. Cela donne une ambiance surréaliste, j’adore.

Nous retrouvons enfin notre terrasse où nous rangeons le matériel d’escalade pour revenir dans un monde dans lequel nous serons libres de nos gestes et de nos pensées.
Plus besoin de chercher la prise, le spit ou la réglette sur laquelle se rétablir, plus besoin d’anticiper l’itinéraire, de chercher les zones les plus sûres, d’assurer un rythme…

Même si c’est ce que nous sommes venus chercher, nous retrouvons une montagne humaine avec plaisir, et surtout nous décompressons.
L’arête n’est pas difficile, mais il y a de nombreux passages en 4 quand même, elle est aérienne, et quand même longue. Mais surtout c’est le parcours aller-retour qui en fait finalement quelque chose de long !

Il reste maintenant 1000 mètres à redescendre pour retrouver Fred et Thibaud au refuge de l’Orgère.

Je sais que le sentier est malcommode, empierré, raide… Je rentre à mon rythme, et finalement en y prenant du plaisir. Tout est beau, et j’ai surtout le bonheur d’avoir vécu cette journée avec Jérôme et Rémi là-haut, ensemble sur une même corde avec le même but.

La descente du col du Ravin Noir est rapide dans les schistes où on se laisse glisser, après c’est de la marche dans les cailloux et jusqu’en bas !

Il est 19h30 quand nous retrouvons Fred et Thibaud au fond du vallon de l’Orgère.

On en a tous plein les bottes, mais on a tous aimé cette escalade.

Je suis mort de faim et avec Fred on se paye le luxe d’une fondue bienvenue au refuge, avec le petit blanc qui va bien !

C’est finalement une fin plutôt agréable que cette fondue une fois de retour de course.

. Dernière modification : 26 décembre 2021 (Avertissements et Droits d'auteur)

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