Sortie du 15 août 2018 par bibox Crête de la Taillante - Pic Nord (3197m)

La Crête de la Taillante est une splendeur des Alpes. Des dalles en bancs de marbres assemblées telles des feuilles de verre les unes sur les autres. Elle offre un terrain de jeu brut, raide, sans balisage de peinture et seulement quelques cairns pour s'orienter. Au sommet, sensations garanties. On a réalisé une ascension précieuse, à l'écart de la foule que l'on retrouvera aux abords des lacs avec le sentiment d'avoir été un peu seul au monde.

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

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Conditions météo

Beau temps sur le parcours alors que les sommets frontaliers étaient tous sous de gros nuages. Ils annonçaient de rares averses l’après-midi mais ça a bien tenu.
Montée matinale de la Taillante à l’ombre et encore assez humide.

Récit de la sortie

De ma semaine passée dans le Queyras, la Taillante était un de mes objectifs incontournables pour plusieurs raisons : sa beauté esthétique unique, son itinéraire alpin chevronné, son sommet aérien au panorama grandiose. Sur ce dernier point, le temps nuageux m’empêchera de poser mes yeux sur le Cervin au loin ou même le Mont Viso tout proche.

En cette deuxième semaine du mois d’août, la météo mitigée me laisse craindre parfois le pire quant à la réalisation de mes projets montagnards ô combien importants.

En montant du parking de l’Echalp, choisi pour son côté plus sportif que par le col d’Agnel, j’observe de nombreux nuages au-dessus d’Abriès du côté du Grand Glaiza ou du Bric Froid.

Je suis donc un peu pressé d’autant qu’il est tôt et que la pénombre n’encourage pas encore à des pauses contemplatives. Enfin à une exception près. Le Mont Viso (3841m), sur notre gauche au bout d’un large vallon, se présente rapidement dans toute sa majesté. Celle-là même qu’il m’avait refusé quelques jours auparavant sur la Font Sancte. J’en profite sachant pertinemment que cela pourrait être le seul moment.

Arrivé au Lac d’Egorgéou (2394m) après tout de même une bonne marche d’approche, je n’ai pas le temps de m’arrêter ; ça sera pour le retour que j’espère au soleil. Le ciel est bien bleu ; pas trop d’inquiétudes mais j’ai le palpitant qui tambourine d’excitation et ça sera le cas tant que la montagne ne sera pas conquise.

Étant je crois un garçon raisonnable, en fait, dès le début, j’avais peur de devoir renoncer à un moment ou à un autre en raison de la météo. D’autant que de fins nuages dansent au rythme du vent au-dessus du sommet nord de la Taillante, maintenant bien en vue.

Il me faut rejoindre la voie normale d’ascension hors sentiers et je n’ai pas très bien consulté le topo partant du principe que la progression serait naturelle faute de beaucoup de choix. Sur la carte IGN, la rampe d’accès à la face de montée se repère bien et à l’œil aussi. Mais bon, le doute est plutôt signe de sagesse. Sourire.

Je rejoins le pied de l’ascension en veillant à respecter la zone de protection du biotope et ne pas passer par dessus les cordes placées à cet effet. Je suis rassuré en trouvant des cairns au pied de la croupe herbeuse ; c’est le bon chemin.

Je m’assure que personne ne se situe au-dessus, humain ou animal, puis je mets mon casque et c’est parti.

J’ai trouvé que le début était après coup, le plus délicat si l’on grimpe comme moi par la gauche plutôt que dans l’herbe, dans un cheminement rocheux glissant où l’on utilise les mains.

Le plus dur avec la Taillante, c’est la montée. Au-delà de l’aspect physique d’évoluer dans des pentes parfois à 40°, c’est surtout l’orientation qui est importante. Ici, pas de traces de peinture sur les dalles. Il faut essayer de suivre les quelques cairns souvent petits, parfois composés d’une seule pierre redressée. suivre les traces parcourues au sol mais surtout invoquer son sens de montagnard tant soit peu que l’on en soit doté.

Deux ou trois fois, je me trompe en tirant tout droit dans la pente plutôt que de m’orienter vers la droite. Je ne dois pas être le seul à faire ça car on trouve des cairns isolés aussi en dehors du passage normal. Traverser pour reprendre ce dernier n’est pas forcément évident sur des dalles encore un peu humides et je dois donc plusieurs fois redescendre de plusieurs mètres pour reprendre la direction la plus simple.

Retards qui augmentent aussi mon angoisse quant à la réussite de mon entreprise. La Tête du Lapras est sous les nuages tout comme temporairement le Pain de Sucre, à côté. C’est bien vertical pour une randonnée et regarder en dessous est déjà vite impressionnant quand on se projette sur la descente.

Un peu pollué par du stress, ma fatigue augmente un peu plus. Je m’en tiens à regarder uniquement devant moi mes pieds et mes mains, au lieu de lorgner en permanence vers le sommet encore haut.

Et finalement, sans m’en rendre compte plus que ça, j’aperçois les cairns sommitaux ! Cette dernière partie est délicate car on passe proche d’un précipice à droite, sur une courte longueur avant de pouvoir célébrer sur l’étroite plateforme servant d’arrivée à 3197m.

C’est peut-être un peu bête, mais la première chose à laquelle je pense c’est aux noms des admins du site qui ont effectué et partagé cette sortie. Le sentiment qui domine est la fierté. À ce moment là, je vois la Taillante comme un vrai rite de passage montagnard.

Le sommet est à couper le souffle. Je n’en avais encore jamais foulé de pareil. La crête est une succession d’arêtes effilées ; longue d’environ 4km qui se casse sur un vide omniprésent côté nord-est. Je rigole en regardant le trajet d’ascension en versant sud-ouest qui sur d’autres montagnes correspondrait à celui par lequel on ne monte pas.

Je tourne autour des deux cairns principaux, véritables perchoirs, et contemple ce qui m’est donné aujourd’hui : Le Mont Aiguillette, le Pain de Sucre, La Font Sancte, le Grand Queyras, le Pic de Rochebrune, le Grand Glaiza. Et même pour quelques secondes le sommet du Viso.

Je regarde la foule affluer autour du Lac Foréant (2618m) et me demande s’ils voient ce petit trait noir que je suis, bouger au-dessus de leur têtes ; si certains ont suivi la fin de ma montée en se disant "mais qu’est-ce qu’il fiche ici celui-là !".

Regarder en bas vers le vallon de Bouchouse est la vue la plus marquante. Au contraire de la montée, trouver son chemin dans la descente est bien plus aisé. Du dessus, la face "ressemble à un gros pierrier" ; on voit bien les traces des passages précédents.

Je commence par ranger mes bâtons avant de réaliser que je pourrais facilement pratiquer celle-ci debout, à part quelques courts moments où il faut poser les mains mais sans aucun souci.

Il me faut tout de même une bonne heure pour regagner les alpages plus tranquilles du vallon. Je coupe au sud, par une sente à moutons, en direction du Lac Foréant que j’atteins sans efforts.

Pour une pause déjeuner bien méritée, je m’isole en bout non sans être passé orgueilleusement devant tout le monde avec mon casque encore vissé sur la caboche. Je m’installe sur une belle dalle blanche, encore une, et profite d’un farniente comme on dit de l’autre côté de la frontière.

Faire le tour du lac pour retrouver la rive gauche n’est pas simple et je ne le conseille pas en raison des mesures de protection de l’environnement sur le secteur. J’ai longé les cordes qui se trouvaient à nouveau là. Il faut aller loin au niveau des rochers vers le col vieux pour ne pas empiéter sur la zone défendue. Cela m’a permis d’observer des marmottes ainsi que de belles fleurs.

De retour en bord de lac, une responsable de la protection du site vient me trouver pour m’informer que même si on ne trouve plus de cordes en fond de vallon, ils essayent de sensibiliser les randonneurs à rester sur les sentiers balisés pour ne pas déranger notamment des lagopèdes sur leurs lieux de vie. C’est entendu et partagé.

Venant de la Taillante, je n’ai pas remarqué les panneaux informatifs qui se trouvaient sur le GR. Elle me dit que depuis le matin, je suis le seul qu’elle ait vu sur le mille feuilles de roche ; m’ayant d’abord confondu avec un bouquetin... autant dire que je fus flatté !

Je ne peux pas rentrer sans avoir pris du recul et de la hauteur pour observer cette montagne unique et je grimpe donc en direction des Lacs de l’Eychassier, en versant ouest. C’est tout droit le long du torrent.

Très vite, on obtient la vue de carte postale sur la Crête de la Taillante. C’est le meilleur endroit pour la regarder dans toute sa splendeur. Après un crochet au col de l’Eychassier (2917m) qui domine la route du col d’Agnel, je parcours les lacs et le petit dernier, au fond, permet de faire de belles photos. Au premier plan, l’eau et au second plan, le mur de marbre éclairé. Un bel endroit pour un éventuel bivouac, juste sous le Pic de Foréant (3081m).

Le cheminement pour rejoindre de nouveau le Lac d’Egorgéou en aval est super sympa et ça passe à peu près partout autour du torrent de la Ruche Blanche. Attention tout de même à ne pas descendre trop bas le long de l’eau car on tombe sur une cascade. Il faut virer sur la droite avant.

Au lac, dernière pause pour apprécier l’instant. Il reste encore 5km pour rentrer au parking de l’Echalp à travers les pinèdes typiques et autres mélèzes omniprésents. Le Viso est toujours bouché.

Merci, merci, bonjour, pardon, merci ? C’était beau hein ? Oups ça glisse. Merci, pardon, merci, bonjour.

Comme je disais, en ce 15 août, il y avait foule dans ce petit coin de paradis.

. Randonnée réalisée le 15 août 2018

. Dernière modification : 23 août 2018 (Avertissements et Droits d'auteur)

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Afficher les commentaires précédents (5).
  • Une ascension qui marque ! Bravo Rémi !

    Le 22 août 2018 à 13h09
  • Merci Arnaud ! J’ai vu que ta photo de profil venait de cette sortie. Elle est juste incroyable cette photo !
    J’espère venir faire le sentier de la baronne bientôt 🙂

    Le 22 août 2018 à 16h14
  • Félicitations Bibox ! De belles émotions ! Chapeau bas !

    Le 22 août 2018 à 17h12
  • 117 photos, Bibox en envoyé du lourd ! merci pour elles, qui m’ont remémoré cette magnifique ascension, et bravo à toi !

    Le 22 août 2018 à 20h07
  • Merci à vous ! pff, les photos le pire c’est que je trie 🙂

    Le 22 août 2018 à 21h55
  • Bonjour Bibox. Si je peux me permettre une petite remarque, la Saxifrage n’est pas l’étoilée mais la faux bryum. La S. étoilée ne possède que 2 taches jaunes par pétales et non un grand nombre comme ici. @+

    Le 23 août 2018 à 10h05
  • Ok je corrige. Pas de soucis ; au contraire, je ne demande que ça ! Merci. @+

    Le 23 août 2018 à 10h14
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