Sortie du 13 juin 2019 par Dyn’s Roc de Garnesier ou Tête de la Plainie (2383m) par la face ouest et l’arête nord

Le Roc de Garnesier est une cime au relief des plus abrupts rarissimement gravie. Arpenter cette montagne, c'est entrer dans le royaume du sauvage à l'extrême mêlé d'une sévère austérité. Exclusivement destiné aux plus caprins d'entre nous...

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Récit de la sortie

Après une série de modestes randonnées, j’ai bien envie de me remettre en selle pour une bonne ascension. Comme j’ai pu le voir du sommet de Chevalet, la face ouest du Roc de Garnesier est complètement dégagée de névés résiduels. Le désir de s’envoyer un beau solo, histoire de tester le mental, m’emballe intensément. - Je fais la différence entre marcher seul et accomplir un solo. Ce dernier est synonyme d’un minimum d’engagement et d’un éloignement conséquent. On ne s’en remet qu’à ses propres capacités, mentales et physiques. On ne compte que sur soi-même en somme. Pour un solo vivement exposé, comme au Roc de Garnesier, on pose les tripes sur la table, on engage la viande ! Alors que le commun des mortels rejette radicalement cette conception du risque en montagne, les âmes aventurières qui le tutoient en éprouvent une joie incommensurable, une plénitude et une sérénité incroyable... - Bien que je connaisse précisément l’itinéraire pour l’avoir déjà parcouru plusieurs fois, cette face m’impressionne toujours. C’est un sacré morceau !

J’entame l’approche en fin de matinée. La nuit a été fraîche et humide. Il est impératif que la face ouest soit sèche. Exposée tardivement aux rayons du soleil, ceci explique un départ peu matinal. Montée par la piste de ski, maintenant recouverte d’herbes verdoyantes. En une vingtaine de minutes, je rejoins le haut du domaine. Je bifurque par la piste forestière menant au ravin de la Plainie sous les immenses falaises du Roc. Rien de plus intimidant... Je retrouve le sentier menant à l’épaule délivrant le sauvage vallon de Corps. Les pentes s’accommodent de quelques restes de drailles, vestiges d’un alpage laissé à l’abandon depuis belle lurette. Pas de sentier battu bien tracé jusqu’au col. De celui-ci, la vue s’ouvre sur la monumentale montagne d’Aurouze et les Écrins à l’horizon.

Je rejoins rapidement deux randonneurs que j’ai aperçu juste avant d’atteindre le col de Corps. C’est le début de la traversée de la face ouest, le début des hostilités ! Frappés par la raideur du terrain, ils n’iront pas plus loin. Je les aborde :

  • Il est rare de rencontrer du monde par ici ! Vous connaissez un peu le coin ?
  • Non, c’est la première fois que l’on vient.
  • Vous êtes partis avec un topo ?
  • Oui, un topo sur internet.
  • D’Altituderando ?
  • Oui, c’est ça !
  • J’en suis l’auteur !
  • C’est bien de pouvoir mettre un visage !

Je les laisse et continue mon ascension. Qu’est-ce que c’est raidasse ! Faut s’accrocher dans ces pentes démesurées ! Intimidé à nouveau, je redécouvre la voie. La fin de la traversée est haletante. Collé aux barres rocheuses, on tutoie un vide abyssal... Le départ de la rampe vivement déclive est particulièrement exposée. L’attention sur chaque pas est primordiale, la face délitée ne pardonne pas l’erreur. Je tire sur la gauche et rejoins l’arête nord au plus bas de sa partie aisément praticable. Plus bas encore, ce n’est qu’amoncellement de roches effilées à l’équilibre précaire. L’intégrale de cette arête nord a déjà été parcourue, on peut même trouver quelques photos sur la toile... De l’escalade en III très exposée dans du mauvais rocher que je ne tenterai probablement pas.

Le final de l’arête nord jusqu’au sommet, bien qu’impressionnant, reste relativement facile. Seuls les derniers mètres, vertigineux, demandent de redoubler de concentration et de poser les mains. Fouler la cime du Roc de Garnesier est un moment merveilleux, un instant magique... On touche le sublime...

Je ne me laisse pas refroidir et ne m’attarde pas au sommet. J’entreprends le retour promptement. La rampe dans le sens de la descente est redoutable. Le vide ne demande qu’à nous aspirer. Bien qu’enrayer une glissade me semble illusoire, mon piolet m’assure un troisième appui non négligeable. Comme à chaque fois, je suis bien plus à l’aise dans la traversée au retour qu’à aller. Je refranchis le plan incliné comme si j’allais chercher le pain chez le boulanger au coin de la rue, en sifflotant, presque les mains dans les poches.

Le versant sud dominant le col de Corps marque définitivement la fin des difficultés. Sentiments de détente et de félicité se mélangent. Ceux sont les instants savoureux du retour... Une sensation à nulle autre pareil... Je laisse mes jambes me ramener paisiblement au monde d’en bas, la tête est restée là-haut...

. Randonnée réalisée le 13 juin 2019

. Dernière modification : 14 juin 2019 (Avertissements et Droits d'auteur)

Auteur :

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  • Encore un beau récit pour une sortie exaltante... Bravo !

    Je ne sais pas si j’aurais finalement un jour l’occasion de me rendre sur ce magnifique sommet mais c’est déjà super de pouvoir rêver grâce aux détails soigneusement retranscrits, aux émotions éprouvées et aux impressionnantes photos !

    J’espère pouvoir (re)vivre des moments aussi intenses en montagne !

    Le 15 juin 2019 à 13h18
  • Merci pour ce beau récit et ces photos....humhum !
    Je pense que je vais me contenter d’avoir gravi sa "petite soeur" ! Mais j’irais bien jusqu’au col de Corps un de ces jours, juste pour l’ambiance....

    Le 15 juin 2019 à 18h01
  • Oui c’est beau ! Je ne désespère pas se monter là-haut un jour, qui sait ?

    Question pour toi qui est spécialiste du secteur : je suis bien tenté par le Roche Rond et son accès par le Nord ou le Sud (en tout cas depuis la Jarjatte le col du Festre c’est trop loin). Le sud à l’air plus accessible car l’arrête Nord semble hyper aérienne. Comment tu comparerais par rapport à disons la traversée Arces-Arlicot qui me semble dans un registre de difficultés comparables (à moins que je me trompe complètement ?)

    C’est clair que le Roc ou la tête de Vachere sont largement au-dessus.

    Le 15 juin 2019 à 20h54
  • Merci pour vos retours.

    Yann, le Rocher Rond par le sud n’est pas difficile, c’est juste long et pentu. Par le nord, l’arête demande le sens de l’itinéraire : il faut contourner les ressauts sur l’arête de Plate Longue, remonter au mieux la rampe vers sa crête sommitale (alors que pour la traversée Arces-Arlicots, il faut rester sur le fil). Certes, elle est aérienne et demande de l’aisance en escalade pour le pas de III (dorénavant équipé) mais n’est jamais autant vertigineuse et exposée que celle du final des Arlicots (pas de passages à califourchon, ni de ressaut péteux à désescalader sur le fil...).
    Même l’arête de la Tête de Vachères me semble moins engagée, moins effilée que celle des Arlicots !
    Pour le Roc, l’arête n’est jamais vertigineuse exceptés les derniers mètres, l’exposition vient du fait que l’on franchit des pentes très raides surplombant des falaises.

    En vous souhaitant, à tous les trois, de belles escapades.

    Le 16 juin 2019 à 10h12
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