Sortie du 20 septembre 2019 par CourtePatte Grande Séolane (2909m - 2892m)

La Grande Séolane, dernier bastion contre les nuages.

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

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Conditions météo

Grand beau en début de matinée. Puis cumulus vissés au flanc ouest de la montagne, nuages de beau temps ailleurs.

Récit de la sortie

Aujourd’hui c’est mon dernier jour à Barcelonnette et je me suis mis dans le crâne sans trop savoir pourquoi – je soupçonne quelque réminiscence littéraire – que LA montagne à gravir dans le coin c’est la Grande Séolane. Quelque chose comme la Tour Eiffel locale. Alors, puisque la météo n’annonce pas d’orage, je me sens presque tenue d’essayer cette ascension, pour laquelle j’avais soigneusement mis de côté deux topos d’AltitudeRando.

La météo ne prévoit pas d’orage, mais elle annonce en revanche d’assez gros cumulus dès la fin de matinée. Il n’est donc pas dit que l’ascension ne tourne pas court, mais au moins j’aurai vu de quoi retourne cette montagne dont la silhouette, sur les photos, ne me paraît pas particulièrement attirante. Oserais-je le dire ? je lui trouve une forme de chewing-gum écrasé.

Mon idée initiale était de l’aborder via le Col d’Allos. Mais les quatre messieurs – tous gens du pays – qui me prennent en stop sur la route se récrient de concert à cette intention. Quoi, arriver par le GR, quelle idée ! Ce sentier n’est pas très intéressant, je ferais mieux de monter par les Agneliers voyons. Timidement je hasarde que depuis le Col d’Allos il devrait y avoir des vues... L’on me répond que des vues j’en aurai aussi par les Agneliers, que c’est l’itinéraire consacré pour tous les randonneurs du coin, bref je ne le regretterai pas. Alors va pour la montée pour les Agneliers !

C’est probablement en effet l’itinéraire le plus direct. Par contre il faut accepter la présence des remontées mécaniques du modeste domaine skiable installé sur ce versant. Et j’ai, comme toujours, l’impression que la carte ne rend pas bien compte des pistes les plus récentes. Ce n’est pas très important car très vite je vais au plus direct.

C’est que cet itinéraire me réserve un petit supplice de Tantale. J’ai l’objectif bien en vue dès le début. Et si, tout d’abord, la Grande Séolane se détache lumineuse sur un fond de ciel bleu parfaitement innocent, au fil de la montée j’ai tout le temps de voir se développer la nébulosité. Quelques petits filaments blancs d’abord, qui s’agrègent bientôt en écharpes, puis commencent à lécher le haut du sommet sud... Je monte aussi vite que je peux mais j’assiste impuissante au développement d’un énorme cumulus qui s’installe solidement à l’arrière de la montagne.

Dieu merci, il ne déborde pas – pour l’instant. Et lorsque j’arrive au Col des Thuiles les vues sur l’est sont encore à couper le souffle : Haute Ubaye, Queyras, Mercantour, tout un déploiement de massifs dont la plupart me sont inconnus. Aucune hésitation, je vais essayer d’aller au sommet, quitte à battre en retraite si le brouillard se développe.

D’ailleurs, c’est par où ce sommet ? Jusque là, hypnotisée par les vues, je n’ai guère prêté attention à la suite du programme. J’ai juste noté que le topo me promettait « 530 mètres de régal pur ». Je suis du regard la direction indiquée depuis le Col des Thuiles... et là c’est plus fort que moi : « Pointe Percée, sors de ce corps ! »

Bon d’accord, la ressemblance avec la Pointe Percée ne dépassera pas la première partie du parcours, à savoir le franchissement de la barre rocheuse du socle. En effet le terrain de la Séolane s’avère plus varié, avec des alternances de replat, de menu pierrier ; l’itinéraire, qui serpente entre les lapiaz et les dalles, est à la fois balisé (doublement !) et cairné ; et l’accès final au sommet nord est une aimable sente au flanc d’une pente même pas très raide.

Par contre, derrière la croix sommitale, aujourd’hui l’univers s’arrête. Au-delà du bord de la montagne il n’y a rien, rien d’autre qu’une masse de grisaille sans forme ni limite.
Il y a plus inquiétant. Dans l’espace entre les deux sommets je vois des bouillonnements de nuages qui luttent pour envahir la montagne. Par instants ils débordent, et à cette vue ma décision est prise : je vais redescendre sans fioritures par l’itinéraire de montée, qui me paraît inratable même dans le brouillard. Moyennant quoi, une fois redescendue dans les replats de lapiaz, le nuage n’a guère évolué et je m’accorde le temps d’une pause pique-nique face aux vues toujours glorieuses. Je découvre bientôt que je suis entourée d’une véritable colonie d’edelweiss, ce qui me vaudra de me relever d’un bond : je ne les avais pas vus en m’installant, sur quoi suis-je donc assise ? (ouf, tout va bien)

De retour au Col des Thuiles, nouvelle décision : puisque je ne l’ai pas vu à l’aller, je vais poursuivre par ce fameux GR du Col d’Allos, ah mais. Je verrai par moi-même s’il est si inintéressant que ça...

Je n’aurai qu’à me féliciter de ce choix. La première chose que je remarque sur ce sentier, c’est que la Grande Séolane n’est pas si calcaire que ça. Ou plutôt, qu’elle repose sur un socle de grès parfaitement visible sous cet angle. Mieux encore, les éboulis qui jonchent la pente herbeuse sont résolument mixtes : les blocs de calcaires, tout en aspérités karstiques, y voisinent avec les formes plus sculpturales des rochers de grès. Je n’avais encore jamais vu ça.

Passé le Col de Sestrières, je découvre la vallée de la Foux d’Allos, et un spectacle fantastique s’offre alors à moi. En rive droite de la vallée s’étale un diorama de crêtes et de sommets aux silhouettes singulières, détourés par des bancs de nuages bas. Il y a là des dents pointues comme dans un dessin d’enfant, des versants ridés comme des pruneaux, tout ça émergeant des masses brumeuses. Je ne connais rien de ces reliefs. Voilà qui me console de perdre bientôt de vue l’étrave majestueuse de la Grande Séolane...

J’arriverai au Col d’Allos avec des images plein la tête. Merci Grande Séolane, pour avoir combattu jusqu’au bout ces nuages désagréables, et m’avoir offert une aussi jolie balade ! Je ne dirai plus jamais que tu ressembles à un chewing-gum écrasé.

. Randonnée réalisée le 20 septembre 2019

. Dernière modification : 4 octobre 2019 (Avertissements et Droits d'auteur)

Auteur :

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  • Je confirme la Tête de Moïse pour la photo #8 ! Très belle rando.

    Le 4 octobre 2019 à 11h33
  • Superbe !
    Je dirais les 3 Évêchés pour la sommet pointu de la photo 19.

    Le 4 octobre 2019 à 12h28
  • Merci ! Vos confirmations recoupent les hypothèses de BA42 à réception du topo.

    Le quorum est atteint 🙂 J’ai mis à jour les intitulés.

    Le 4 octobre 2019 à 22h06
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