Sortie du 23 septembre 2013 par Paul L’Olan, Sommet Nord (3564m) par la "Voie Escarra"

Traversée du sommet nord et descente par la voie Escarra

Itinéraire, carte // Fiche topo

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Conditions météo

Hautes pressions et grand beau. Températures estivales mais neige présente en altitude sur le versant nord des arêtes.

Récit de la sortie

Ayant réduit le matos au strict nécessaire nous arrivons tout de même à des charges de 14kg. La faute au rappel de 50m qui s’avèrera bien nécessaire...

Premier jour de l’automne, et nous commençons la montée vers le refuge avec laquelle je me réconcilie peu à peu. De lointains et désagréables souvenirs s’effacent devant le spectacle de cette vallée sauvage et colorée, de cette image du village qui diminue à chaque pas. Quelques torrents somptueux à traverser sur des passerelles de bois et nous grimpons toujours dans la même pente qui surplombe "La Chapelle en Valgaudemar". C’est vraiment très beau ! 3h/3h30 pour accéder au refuge d’hiver, confortable avec une quinzaine de lits et de la vaisselle. Il n’y a pas de gaz et l’eau est au torrent à 10 mn de marche.
Les marmottes aiment bien entrer dans le bâtiment, mais ne sachant comment en sortir, elles jouent les castors pour ouvrir les fenêtres.

Repas à base de lyophilisés, et le lendemain départ à 6hoo. Le sentier, puis la moraine, et enfin le glacier, facile avec une courte pente et quelques crevasses dans sa partie supérieure.

Les choses sérieuses commencent ; descendre dans la rimaye et s’équiper pour gravir la muraille jusqu’à la vire Escarra. La première longueur (30m environ) se fait dans un rocher assez raide (pas de IV) et parfois glacé. Anneau de relai équipé pour le rappel de la descente. Ensuite encore une longueur moins dure mais difficilement protégeable de 50m jusqu’aux anneaux de rappels suivants (un des rares becquets de l’endroit).

On peut ensuite aller en corde tendue jusqu’à la vire que nous prenons vers l’ouest. Après un cheminement à flanc, toujours assez bien cairné, mais aérien, nous arrivons au point où démarre la vire ascendante oblique qui monte à la brèche Escarra. Celle-ci m’inspire moins que Roland et je vois un cairn un peu plus loin qui nous amène à un couloir qui part vers les sommets.

Comme il n’y a personne sur la montagne, je me lance dans l’escalade, plutôt sur la rive gauche. Une escalade d’un niveau de difficulté abordable (III et IV), et quelques emplacements de coinceurs ; parfois quelques plaques de neige, et des pas de IV+. J’y trouve un piton, quelques sangles et anneaux de rappel - Anneaux de buts ou véritable voie de montée/descente ? -... J’en douterai jusqu’au bout...

Je pense que nous avons gravi la rive gauche du couloir qui sépare le sommet central du sommet nord. D’après ce que je subodore, il s’agit d’un ancien itinéraire de montée/descente (itinéraire 514.1 du Labande), certainement abandonné pour son exposition à la neige et au caillou. J’y ai pourtant trouvé du bon caillou, parfois protégeable, mais en grosses ça grimpe quand même... bref, il y a tellement de passages possibles que je me garderai bien d’en tirer des conclusions générales.

Après quelques longueurs, nous arrivons enfin au sommet nord d’une montagne à la beauté sauvage impressionnante et dans une magnifique solitude. Ce pourrait être la plénitude, mais je ne veux pas me relâcher car l’heure tourne et j’appréhende la descente.

Nous ne tardons donc pas à descendre (rappel) à la brèche de l’antécime. Petite remontée à la brèche dans la neige après le rappel un peu trop exposé au versant nord (j’ai vu un autre anneau de rappel plus à l’aplomb de la brèche mais apparemment invisible du sommet). Une fois encore, je vois un anneau bien marqué qui invite à la descente directement vers le sud-ouest. Mais sera-t-il suivi d’autres points ? Je ne me risque pas d’y aller et remonte sur l’antécime, par une courte escalade sauvage (IV).

La descente des arêtes à la brèche Escarra c’est du sport ! Le spectacle de ces arêtes vertigineuses et enneigées sur leur versant nord me disent que la partie n’est pas finie. Il y a deux passages où il faut aller à califourchon, c’est bien gazeux et assez somptueux car le rocher est bon, mais l’ambiance est sérieuse et l’heure tourne. Je souhaite sortir des difficultés au plus vite. L’accès aux vires versant nord me parait peu recommandé, tout est plâtré et vu du haut, plutôt casse bouche.

Je tente tout de même une traversée en face nord mais le cœur n’y est pas, et je décide de taper un rappel pour descendre au mieux les ressauts de l’arête. Rappel qui se bloque... il fallait s’y attendre. Roland assuré en bas, je remonte débloquer la corde au prussik, et reprends plus bas en m’assurant que cela coulisse bien. Un brin rappelé se grippe une nouvelle fois en se lovant autour d’un petit bloc et je dois y aller en traversée dans du IV+, assuré par un maigre coinceur. Le temps continue de s’écouler et nous sommes toujours à plus de 3400m...

Finalement je décide de couper court à cette descente d’arête un peu expo avec la neige et je sacrifie un coinceur ainsi qu’une sangle pour envoyer mes 50m de corde dans le vide, versant sud, pour tenter de rejoindre petit à petit la vire Escarra en désescalade.
Bon plan ! Le rappel nous laisse sur des vires assez raides mais que l’on peut désescalader raisonnablement. J’assure Roland pour la traversée du couloir et nous voici dans les pentes de la brèche Escarra, et du bon côté.

L’heure tourne et c’est le speed car la nuit va tomber d’ici 2 heures.
Après concertation, nous décidons de ne pas nous encorder pour la descente à la salle à manger et pour toute la vire Escarra. Quelques passages sont expos mais nous avançons fermement concentrés.
J’ai bien repéré à la montée les anneaux de rappels en arrivant à la vire. C’est à peu près au centre du large éperon entre les cascades de fin de journée.

Une prudente désescalade dans un terrain parfois mouillé, où il faut faire preuve de stratégie, mène au premier anneau ( à gauche : 3 pitons) et un rappel de 50m pile (pas 49.50m) touche le deuxième anneau. Reste à descendre dans la rimaye sous une petite cascade rafraîchissante, en prenant soin de prendre appui sur un gros bloc de glace coincé entre la rimaye et le rocher et de ne pas se perdre dans le gouffre noir qui descend encore 25 mètre plus bas.

Toujours dans le speed, mais concentrés, nous retrouvons piolets et crampons laissés à la montée et nous rappelons la corde détrempée.

Encordé sur un brin, je remonte la rimaye et prends appui sur le glacier pour assurer Roland. Le jour décline, et nous franchissons deux ou trois petites crevasses avant de plonger pleine pente, encordés à 20m, pour sortir enfin des difficultés. La nuit tombe brutalement mais nous sommes "à sec" sur le pierrier et là je teste pour de bon ma frontale à 110 lumens.

Encore 1h30 de descente en scrutant les cairns dans le noir, et là je savoure... Après cette journée de baston, c’est un délice d’écouter l’eau ruisseler sous nos pas et de respirer calmement dans la nuit.

Dernier exercice ; retrouver les deux bidons vides le long du torrent, que nous avons laissés ce matin, il y a ... 13 heures... Avec les 5 litres d’eau en plus de notre barda, nous arrivons comme des pachydermes au refuge, mais heureux de cette aventure totale.

1300 mètres plus bas le village s’endort dans les vapeurs de la Séveraisse. Tout est calme.

. Randonnée réalisée le 23 septembre 2013

. Dernière modification : 27 septembre 2013 (Avertissements et Droits d'auteur)

Auteur :

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  • ohh, les vautours vont être ravis...

    Le 22 octobre 2013 à 21h02
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