Sortie du 5 mars 2023 par CourtePatte Sommet de Couard (1989m) par les Dourbes et la crête sud-ouest

Une de ces sorties un peu magiques dont on éprouvera la nostalgie dès le lendemain.

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

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Conditions météo

Grand bleu, visibilité poudreuse et brume basse.
Crête quasiment sèche, quelques passages enneigés sous les falaises en versant ouest.

Récit de la sortie

Depuis la fin de cet automne j’ai fait de multiples randonnées dans le Dignois, une région qui m’était à peu près inconnue jusqu’ici. Impossible, évidemment, de ne pas remarquer la longue muraille de la barre des Dourbes, et l’écharde du Couard qui n’a pas tardé à exciter ma convoitise.

Seulement, ne connaissant pas bien le pays, difficile d’évaluer le risque de complications liées à la neige ; alors je me retenais bien sagement d’envisager cette sortie à cette saison. Jusqu’à voir passer la récente sortie des joyeux lurons d’AR (ici) qui m’a démontré que l’itinéraire était tout à fait praticable. Sus au Couard !

Enfin, le Couard je n’y suis pas tout de suite. Parce que je vais y monter au cours d’une traversée Clumanc – Digne, et dès mes premiers pas dans la vallée de l’Asse de Clumanc je me félicite de cet itinéraire. Dans cette ample vallée à fond plat, on se sent comme dans un vaste berceau de montagnes, suffisamment éloignées pour que l’on profite simultanément d’un ciel immense. Il en résulte une sensation d’espace particulièrement délicieuse.

La carte IGN me promettait des merveilles à Clumanc : un château, une église, des « coulées volcano-détritiques », et je m’offre la visite. Aujourd’hui je n’ai pas de contrainte horaire, j’arriverai à Digne quand j’arriverai, et j’ai bien l’intention de profiter de chaque minute.

La montée au Pas de Labaud est très agréable, sous un couvert boisé suffisamment léger pour qu’on profite presque toujours de vues sur le pays. Les buis font brièvement place aux hêtres, et voici le Pas. Cette fois ça y est : j’ai enfin pris pied sur cette omniprésente Barre des Dourbes.

Je prends un air des vues. Un peu noyées dans un poudroiement brumeux, mais on y distingue tout de même des tas de choses familières : l’épaule de la Montagne de Lure, la frise enneigée des Écrins, le massif de l’Estrop et bien sûr les sommets du pays : la puissante échine du Blayeul, les bonnets des Cloches de Barles, etc.

La Barre ondule mollement, rousse et grise, en direction du Couard qui sous cet angle fait beaucoup moins épine, moins bastion, que lorsqu’on le voit depuis l’ouest. Les perspectives sont trompeuses. Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour y parvenir : cela dépend de la nature du terrain sur la crête.

Cela dépend aussi de mon aptitude à m’arrêter à tout moment pour profiter d’un nouveau détail. Aujourd’hui ce sont les bulbocodes printaniers qui vont me tendre de multiples embuscades. Par endroits ils émaillent le sentier ; je n’en avais jamais vu de telles quantités. Impossible de résister à ces étoiles de mer alanguies sous le soleil : les contrastes sont atroces mais il faut quand même que j’essaie la photo.

Poursuivons. Voici le Pas de Tartonne, que j’envisage de prendre pour la redescente ; voici la photogénique fenêtre du Trou de Saint-Martin ; voici le Pas de la Faye. Plus que quelques minutes et je serai au pied du Couard.
Et lorsque je parviens au bas des pentes de ce dernier, je m’avise de deux choses.

La première, c’est que je n’ai pas le topo. Pas la moindre photo, ni du texte ni des images (je n’ai pas de Smartphone, alors les topos pour moi c’est soit sur papier soit en photos) ; je voulais en prendre hier soir et ça m’est sorti de la tête.

Ma seconde découverte, c’est que contrairement à ce que je m’étais vaguement figuré, l’on n’a pas l’intégralité du Couard en vue depuis son pied : les barres rocheuses intermédiaires masquent la partie sommitale.

C’est malin. Heureusement j’avais bien étudié le topo, et je me rappelle une sorte de parcours en Z. Logique aidant, je découvre bientôt des cairns et un vieux balisage jaune qui m’évitent commodément d’avoir à gamberger en cours d’ascension. Tout va bien.
Le petit pas de l’antécime est encore un peu enneigé, rien de compliqué ; un dernier coup de reins et c’est le sommet.

Les vues sont encore plus gratifiantes que ce que j’avais espéré, même si la taie de brume jaunâtre s’est encore opacifiée. On devine tout juste le Plateau de Bure, et les Écrins se sont éteints ; mais le paysage est tout de même glorieux.

Le temps que j’entame la redescente, tout le versant Est est plongé dans l’ombre. Les crocus refermés ne sont plus que de petites bougies, et j’allonge le pas pour retrouver le soleil sur le bord des falaises. Lorsque j’arrive au Pas de la Faye, je juge que si je veux profiter des dernières lueurs à la redescente il vaut mieux que je prenne par là tout de suite, plutôt que pousser jusqu’au Pas de Tartonne.
Je n’aurai qu’à me féliciter de cette décision.

Aujourd’hui, ce n’est pas un ciel à crépuscule pyrotechnique ; mais alors que le soleil s’enfonce dans la brume, il se fait une lumière diffuse qui baigne toute la face ouest de la Barre dans une ambiance dorée qui vire lentement au pourpre ; même le sous-bois en est imbibé.

Sous les vastes falaises règne un silence épais comme une eau. Les cimes noires des arbres sont dessinées à l’encre de Chine sur l’aquarelle rouge du crépuscule, et il se fait là une sensation de paix immense. Faut-il vraiment redescendre ?

Heureusement, le soleil commence à s’engloutir, et le refroidissement presque instantané m’arrache à cet espèce d’envoûtement ; il faut marcher.

Lorsque j’arrive aux Dourbes, la nuit est complète. Mais quelle nuit ! Une lune ardente baigne tout le haut pays d’une clarté bleue. Dans cette ambiance onirique je devine une houle de collines, des déferlements de marnes.

Je décide de faire toute la descente par la petite route "à l’ambiance particulière" annoncée par le topo ; et rarement retour goudronné m’aura été aussi agréable. Il y a le ciel nocturne, où la lumière de la lune n’assèche pas totalement les étoiles, et où étincelle une sorte de pendeloque formée par deux points extraordinairement brillants, que je saurai plus tard être Vénus et Jupiter. Il y a les reliefs mystérieux des hautes collines dans la pénombre ; et si je me retourne je vois, plaquée contre le ciel, une sorte de tenture couleur de fumée qui est la Barre des Dourbes, toujours un peu plus estompée par l’éloignement.

Lorsque, plus tard, la masse du Rocher de Neuf Heures surplombant la route m’annonce l’imminence de Digne, mes pieds ne sont tout de même pas mécontents ; mais ma tête sait déjà que cette balade me laissera un souvenir d’émerveillement et de nostalgie. Merci Couard !

. Randonnée réalisée le 5 mars 2023

. Dernière modification : 11 mars 2023 (Avertissements et Droits d'auteur)

Auteur :

Réagissez !

  • Salut,
    Je ne sais pas si tu as les pattes courtes, mais tu marches longtemps.
    Cette traversés Clumanc / Digne par le Couard est un sacré parcours on dirait...
    Tu as fait ça dans la journée ?
    Bravo pour ce périple en solo !

    Le 6 avril à 10h19
  • Merci !
    Pour répondre à ta question : oui, c’était en une seule journée. Paraît que quand on aime on ne compte pas 🙂 et j’ai beaucoup, beaucoup aimé cette balade !

    Le 6 avril à 18h18
  • Alors bravo et aussi merci pour le magnifique texte qui va avec cette longue route prealpine et visiblement, cet amour des basses Alpes.

    Le 6 avril à 18h41
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