Sortie du 6 juillet 2019 par Rapha06 Mont Cervin (4478m) par l’arête du Lion

Une ascension d'envergure, sur un des sommets les plus mythiques des Alpes ! Un rêve réalisé, l'été commence au top… Course marquante par son engagement, son ambiance et sa longueur...

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

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Conditions météo

J1 : Grand beau, pas de vent, et chaud.
J2 : Temps mitigé avec soleil jusqu’à 9h puis alternance de nuages et de soleil.
J3 : Tempête de neige le matin avant une alternance de nuages et de soleil…

Conditions exceptionnelles pour un début juillet : pas besoin de crampons, à part sur la traversée du Col du Lion.

Récit de la sortie

Avant-propos

Le Cervin, le Matterhorn, Monte Cervino. Trois noms pour un seul sommet : celui qui désigne la pyramide parfaite telle qu’un enfant la dessinerait...

Un rêve personnel, une grande satisfaction et trois jours marqués à vie partagés avec une belle bande de potes ! J’en pleure encore...

Plus de détails ci-dessous...


J1 : Une approche interminable !

Au réveil, rien à signaler si ce n’est une motivation inouïe !

8h30, à Breuil-Cervinia, au grand parking, on cherche Julien, puis on finit par le trouver. La course peut commencer !!

Nous partons sans trop tarder après un checking matos et un peu de papote.. C’est ça les amis ;)

Ce n’est pas le plus agréable au début, pour sortir de la station et au-delà des premiers 200 mètres.

En revanche, lorsque nous avons démarré les jambes, rien ne va nous arrêter...

On ne s’arrêtera pas jusqu’au Rifugio Oriondé, à 2800m d’altitude, si ce n’est pour immortaliser les moments...

La forme est bien présente pour tout le monde... Pour l’instant.

Il est cependant nécessaire d’effectuer une petite pause d’une dizaine de minutes à la première étape car nous sommes conscients que cela va être difficile, sans compter les sacs de 12-13kg que nous devons acheminer...

Les premiers névés apparaissent ensuite et le sentier devient plus sauvage.

On passe la Croix Carrel après le passage d’un verrou, qui marque les premiers passages rocheux.

Ce n’est pas facile mais nous arrivons à garder un rythme plutôt correct.

Les passages câblés permettant de rattraper la pente suspendue sous la Testa del Leone marquent réellement le début de la course : à partir d’ici, c’est exposé tout le temps !

Et puis mine de rien les passages câblés sont d’ores et déjà "costauds", avec du III.
Pas évident avec des sacs lourds.

Ensuite, des gradins rocheux nous accueillent, une formalité ; puis s’enchaîne une longue pente de neige à 35°, en plein cagnard.

Une heure de temps plus tard, une pause sous la Testa del Leone pour reprendre nos esprits et surtout enfiler les crampons car la traversée vers le Col du Lion est encore enneigée et surtout très exposée !

D’ici, nous attendons un long moment Fredo qui semble souffrir de son dos : son travail de plombier en est pour quelque chose... Il doit malheureusement se résigner à laisser tomber car il ne se sent pas de continuer dans de bonnes conditions : il mettrait sa vie en danger inutilement... Pas grave pour lui mais bon, le Cervin c’est une sacrée bestiole qui demande beaucoup de capacités en escalade ; en force mentale et en acclimatation, ce qui lui manque un peu pour y parvenir...

J’aurais tellement aimé que tu nous suives, mon papa... T’as loupé le plus beau moment de ma vie, heureusement on continuera à en partager de sacrés !

Mais l’inconscient nous envoie des signes de quand il faut faire les bons choix et là, je pense certainement qu’il les a fait !

Quoi qu’il en soit, on s’équipe complètement pour traverser vers le col : c’est plus engagé qu’espéré et surtout, ça bouchonne...

Les deux cordées à proximité sont des Français, alors, on tape la discute en attendant que chacun passe en étant assuré...

Nous mettrons 1h30 pour faire la traversée, puis on se prendra une pause déjeuner au col car il est 14h00 et ça fait déjà 5h30 que l’on monte avec les sacs lourds et mine de rien, le D+ s’affole : 1600m !

14h45, c’est reparti et nous avons enlevé les crampons pour la suite qui s’annonce plus rocheuse. Cela tombe bien, c’est ce que j’aime le plus.

Après une centaine de mètres d’ascension plutôt faciles malgré une exposition constante, nous arrivons au pied des premiers câbles et dalles rocheuses.

L’ambiance en prend un coup, ce n’est pas facile mais on s’accroche.

De plus en plus délicat... Jusqu’à la grande dalle sous le refuge : un passage vertical, câblé heureusement mais tellement difficile (du bon V montagne) ; en plus de l’altitude ; des heures de sport avalées et des sacs chargés.

Il faut faire des pauses entre les pas d’escalade...

Julien qui est le plus costaud d’entre nous s’attaque en tête aux passages les plus difficiles : je passe en second puis Patrick passe en troisième.

Il nous faudra du courage pour enfin toucher le refuge Carrel, à 17h30, soit 9h00 d’ascension. Une première journée bien chargée qui nous laisse déjà des émotions mais bizarrement, peu d’anxiété quant à la suite de l’ascension, nous sommes assez confiants.

Repos sur les rochers jusqu’au coucher du soleil en profitant de cette ambiance unique, on l’a mérité notre "nuit" de sommeil là !

Il y a du monde dans ce petit abri mais les lits sont très confortables, ce qui nous rassure : la nuit va être courte mais reposante et ici, pas de fêtards, tout le monde se lève tôt ! Mais là, c’est pas pour les Danettes que l’on va se lever mais pour le Cervin (Toblerone... ;))

On est certainement trop gourmands ;)

Trêve de blabla, la première journée nous aura déjà marquée grandement !

J2 : Le plus beau jour de ma vie d’alpiniste !!

4h00 pétantes, tout le monde se lève et s’équipe pour la fameuse ascension.

Ça y est, c’est le jour J comme on dit. Pas de mariage aujourd’hui, quoique si c’est possible de se marier avec le Cervin, je dis oui sans hésiter ;)

On se marre mais ça ne va pas être rigolo très longtemps : les cordes de l’Éveil nous mettent dans le bain : un surplomb patiné à la frontale, ça réveille !

C’est pas si simple de trouver la suite mais c’est plus aisé.

Le cheminement se repère pas trop durement en étant vigilants et nous parvenons à ne pas trop nous égarer dans cette face périlleuse.

Quelques encablures plus haut, sous le Linceul, ce sont les premiers ennuis avec les nombreuses cordées devant passer chacune à leur tour : c’est l’embouteillage et c’est pas simple de résister à contourner... Mais obligation, c’est suicidaire d’en faire ainsi...

Le temps passe... Nous passons doucement et surmontons le Linceul sans difficultés particulières.

Le jour se lève tout doucement, il est 7h00 lorsque nous passons enfin le Corde Tyndall, un des plus beaux passages tous confondus car c’est là que l’on rattrape l’arête du Lion avec la vue sur le Cervin !! Notre objectif se tient là, à côté de nous mais tellement lointain encore...

La suite jusqu’au Pic Tyndall est très exposée, avec quelques passages scabreux et avec de la glace mais pas besoin de crampons, nous y parvenons tant bien que mal en 1h30.

8h30 au Pic Tyndall : le choix est vite fait, on continue !!

Malheureusement, le temps se dégrade vite et les premiers nuages embrument le sommet. Ce n’est que passant mais en plus il y a un bon vent d’ouest à 30km/h qui rafraîchit sérieusement, alors avec les embouteillages, vous comprenez comment ça peut être difficile.

Cependant, quelques rayons de soleil apparaissent lors de la traversée du Pic Tyndall, qui s’avère être un passage extraordinaire mais longuet à la fois avec toutes les brèches à passer.

Jamais il ne faut se laisser aller car on est exposé sans arrêt et de nombreux passages techniques nous le rappellent...

10h00, entre le Pic Tyndall et le Cervin...

On chemine dans une face compliquée à lire ; on s’égare à quelques reprises mais on arrive tant bien que mal à trouver notre chemin d’autant plus que les nombreuses cordées aident...

Et au bout d’un moment, nous rattrapons les passages clés : l’échelle Jordan, puis la Corde Pirovano, dernier gros passage avant le graaaaaal !!

Mais soyons patients, il faut que je vous parle de cette échelle, qui permet de passer un incroyable surplomb avec pas moins de 2km de vide sous les semelles ! Jamais j’ai été aussi impressionné par une montagne ! Là c’est vraiment du sérieux et heureusement que l’échelle permet de se sécuriser mais comble, elle est pendulaire...

Oh bah ça alors, rien de tel pour une bonne dose d’adrénaline mais je me concentre toujours !

Julien est toujours devant à équiper tandis que Patrick ferme la marche.

Et ça bouchonne pas mal encore ici. On s’impatiente mais pas le choix.

Enfin l’échelle passée, on se trouve encore sous un surplomb, au niveau d’une terrasse étroite mais plate qui permet de reprendre son souffle (manquant à 4400m !).

Derrière ce surplomb, la corde Pirovano, située sur un bout d’arête presque vertical et avec aussi 1,5km de vide en dessous (face ouest cette fois-ci) permet de franchir ce dernier ressaut légèrement plus facile (IV-) et ainsi laisser apparaitre un court éboulis.

Parfois les rêves deviennent réalité : cette fois-ci, je me demandais vraiment si j’étais dans un de ceux-ci : je vois la croix du sommet suisse devant moi, avec Julien l’ayant déjà atteinte.

Le moment est incroyable, nous nous trouvons tous au sommet du Cervin, le plus beau moment de ma vie !!

J’en pleure encore en écrivant ce récit, vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est magique !!!

Je ne vais pas m’éterniser sur le sujet et raconter en bref notre descente, ah si, il était 12h00 au sommet, milieu de journée... Après 7h00 d’escalade...

La descente en bref : une galère ; des rappels à foison ; de la fatigue exponentielle et une tempête de neige sous le Pic Tyndall !

Il sera 19h30 lorsque nous arriverons enfin au refuge, après pas moins de 15h00 de rang et de stress qui nous ont littéralement rincés.

Le deuxième soir, il nous reste suffisamment de provisions pour nous alimenter avant d’aller faire dodo. Le lendemain, tranquillou : 7h00 le réveil... On se rendra compte réellement de ce que l’on vit une fois arrivés au parking, avec Fredo.

J3 : Galères et joies...

Il est temps de redescendre en chemin arrière, par les derniers rappels et la traversée du Col du Lion ; puis la face du Lion et enfin, le long sentier dans les alpages...

Mais, comme cela ne suffisait pas, comme un au revoir des cimes, une dégradation orageuse déferle sur le massif entre 8h30 et 10h, ce qui nous en fait baver.

Fort heureusement, elle n’arrive pas lorsque nous faisions les rappels, ni pendant la traversée du Lion mais juste après, comme si l’on était synchronisé, c’est fou !

Mais purée ce que l’on s’est gelé dans la descente et jusqu’à Oriondé ! Avec la neige, le brouillard et le fort vent, on en aura vu de toutes les couleurs et de toutes les saisons en une matinée. Merci Vivaldi ;)

Ce n’est que par la suite qu’un grand soleil ressurgit et nous réchauffe.

Pas le temps de faire une pause, et surtout pas l’envie : nous rejoignons en vitesse Breuil-Cervinia, avec Fredo qui surprise, n’est pas là : il est parti se faire le Breithorn (4165m) en solitaire Il aura fait un très beau 4000 quand même, histoire de ne pas être venu pour rien. Et il a bien eu raison.

C’est à 12h00 lorsque nous nous serrons tous les quatre dans les bras pour célébrer notre victoire amplement méritée.

Nous avons souffert et vécu des émotions incroyables mais également gravi un des sommets les plus mythiques du monde ! On peut vraiment se dire alpinistes dorénavant, c’est clair !!

Aujourd’hui, j’en rêve encore la nuit et je rêve d’emmener Fredo pour le faire mais du côté Suisse, par le Hörnli, moins exigeant que cette arête du Lion et tous ces embouteillages sans fin...

Tout était réuni pour que l’on se souvienne à vie de cette expédition : conditions météo ; conditions du terrain ; émotions vécues ; partage entre amis ; etc... Que du bonheur en restera gravé malgré les aléas qui, aujourd’hui nous font tous rigoler tellement c’était bon.

Mais on continuera de pratiquer la haute montagne bien sûr, ce n’est absolument pas une fin en soi ;)

Merci pour ceux qui sont arrivés à lire jusqu’ici, je pourrai en écrire un véritable roman mais bon faut savoir s’arrêter dans la vie... Bonne montagne à tous ;)

. Randonnée réalisée le 6 juillet 2019

. Dernière modification : 10 juillet 2021 (Avertissements et Droits d'auteur)

Auteur :

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  • Chapeau jeune homme, un sommet mythique qui plus est par une voie légendaire.
    Des photos superbe,s un récit qui donne envie...
    Bon été.
    Patrick

    Le 13 juillet 2021 à 07h21
  • Ben merci, tu peux pas imaginer ce que cela à représenté et encore aujourd’hui, je n’ai pas les mots pour décrire ce que j’ai vécu, j’ai essayé de faire un bref récit car je pourrais en écrire un roman si je me chauffes ;)

    J’espère pouvoir en revivre des similaires plus tard malgré mon gros break aujourd’hui à cause d’une foutue anorexie... Mais tout doucement ça revient...

    Le 13 juillet 2021 à 19h15
  • Chapeau Rapha ! Un récit émouvant qui décrit parfaitement l’épopée. De superbes photos. Merci de nous avoir emmenés avec toi par ta prose.

    Le 13 juillet 2021 à 21h19
  • Tu peux etre fier de toi Rapha, tu as une très belle pratique de la montagne, sportive, comtemplative, preque romantique 🙂. Tu es jeune, un bon niveau, tu auras encore beaucoup d’occasions de vivre des moments d’exception comme celui ci, crois en l’experience d’un mec passionné qui à quarante ans d’alpi au compteur ;
    C’est à vie cette passion.

    Et si la vie nous apporte aussi son lot de problèmes, crois moi on rebondi toujours, alors sois en sur, le beau est encore devant toi 🙂 et pour longtemps ; ok ? 🙂

    A+
    Patrick

    Le 14 juillet 2021 à 09h53
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