Sortie du 8 octobre 2020 par CourtePatte Aiguilles de Chabrières (2403m), par Saint Apollinaire ou par la station de Réallon

Une balade au château des monolithes, entre les premières neiges et la lumière d'une belle journée d'automne.

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

Pour découvrir la carte, l'itinéraire et les infos détaillées, veuillez consulter le topo de référence

Conditions météo

Grand beau.

Récit de la sortie

Cette année, nous avons déjà été volés du printemps. Et voilà-t-y pas qu’on se ferait escroquer de l’automne ?

Trois semaines de météo lugubre, des visions hivernales sur toutes les webcams : tous mes projets pour la saison étaient au-dessus de 2500m, il me faut y renoncer. Alors, pour cette journée exceptionnelle de beau temps, je cherche frénétiquement un sommet dans les 2000 qui soit fréquentable. Et voilà que je repense aux aiguilles de Chabrières.

Lorsque j’avais vu pour la première fois ce château de monolithes qui semble monter la garde entre la route de Gap et le lac de Serre-Ponçon, j’avais été séduite. Et puis... j’avais compris que l’endroit était desservi par un monte-touristes, ce qui m’avait considérablement refroidie : « à faire hors saison ». Depuis, d’autres destinations ont toujours pris le pas sur celle-ci chaque fois que j’allais du côté de Serre-Ponçon. Aujourd’hui semble l’occasion idéale.

Non sans un peu d’appréhension. Sur les webcams, elles ont le flanc un peu plâtré ces aiguilles. Mais allons voir ! Au pire j’aurai au moins le plaisir de les avoir vues de près, dans le décor toujours grandiose de Serre-Ponçon.

Dès que j’arrive sur la crête du Serre du Mouton, je comprends que je n’aurai aucun regret, même si je dois renoncer à la traversée que je convoite. Dans la limpidité exceptionnelle de cette journée d’automne, le spectacle est à couper le souffle. Ce ne sont que colonnes, aiguilles, gendarmes dont la roche est caressée par la lumière, avec une sensation de verticalité extraordinaire. Des sourcils de neige soulignent chaque strate de ces édifices et leur confèrent une silhouette dolomitique ; je ne sais pas où donner de l’œil et de l’appareil photo.

Lorsque je m’enquiers de l’état de la brèche auprès de deux visiteurs, ils me rassurent « Oui oui ça doit passer sans équipement particulier. D’ailleurs, regardez, un groupe est en train de s’engager. » Ma foi, le groupe disparaît derrière la brèche et l’on n’entend pas de cris affreux : c’est donc que le versant nord-ouest, qui m’inquiétait autant que la brèche, est praticable. Je m’engage à mon tour. La neige dans la brèche ne pose effectivement pas de difficulté ; et cette courte ascension est un tel plaisir, entre la roche et les vues, que je suis presque déçue d’arriver dans l’ombre bleue de l’autre versant. De ce côté la neige est un peu plus sérieuse. Je suis très contente que d’autres avant moi aient « fait la trace » : certaines empreintes s’enfoncent de plus de 30 cm, sans même atteindre la roche.

J’étais persuadée qu’une éventuelle visite du sommet serait hors de propos, mais il n’en est rien. Et il aurait été vraiment dommage de s’en passer : j’aurais raté cette amusante chatière (signalons au passage qu’une randonneuse bien en chair et un sac de 37 litres plus qu’à moitié rempli y passent de concert – elle n’est donc pas réservée aux matous faméliques cette chatière). Les deux pas sur la vire qui suit me vaudront, à la descente, une petite goutte d’adrénaline car la neige fondue n’y fait rien pour la confiance dans les appuis, mais il y a de bonnes prises de main. Et la vue du sommet justifie le détour, pas tant pour les horizons qui sont visibles en de nombreux points aux alentours, mais pour la vision des monolithes voisins que l’on surplombe nettement : ça c’est de la sensation sommitale.

Une fois redescendue, cap sur l’Esillon puisque j’ai l’intention de redescendre sur Chorges depuis le col de la Gardette. Je contourne les premiers ressauts rocheux enneigés par le versant nord, ce qui ne m’empêchera pas de remonter un peu trop vite sur la crête : je me heurte à un ultime ressaut que je ne suis pas sûre de pouvoir désescalader si nécessaire, et je le longe à flanc de roche en auscultant du bâton toutes les nappes de neige interstitielles. Pour stimuler ma prudence je n’ai qu’à regarder le ressac des lapiaz de l’Oucane en contrebas : je n’ai guère envie de m’enfoncer jusqu’à mi-cuisse dans quelque trou mal anticipé...

Du sommet de l’Esillon, le spectacle est également magique. Je vois le château des Aiguilles qui surgit d’une jupe de neige bleutée ; le tumulte immobile de l’Oucane ; toute une procession de sommets du sud des Écrins qui me sont mal connus, comme le Piarra, le Garabrut, ou l’extraordinaire pyramide de la Pointe de la Diablée. Au sud, le regard plonge vers Chorges d’où j’entends monter les bruits de la vallée, comme le halètement du train de Briançon que je ne parviens même pas à distinguer. Et bien sûr, toujours en toile de fond, la vaste échancrure du lac de Serre-Ponçon et la masse du Morgon qui profite du contre-jour pour prendre des airs de volcan tronqué.

Il fait bon. Après la tournure résolument hivernale de ces derniers jours, j’observe avec surprise que la faune n’a pas encore renoncé aux beaux jours : il flotte encore quelques papillons attardés sur cette crête, et j’entends grésiller un peuple d’insectes dans l’herbe. Quelques sifflets vers l’Oucane témoignent qu’au moins quelques marmottes n’ont pas non plus très envie de se re-confiner...
Je profite de la pause pour observer les progrès de l’automne dans le pays. Les mélèzes ne se sont guère colorés encore, ni les hêtres ; mais les érables sont déjà jaunes et les peupliers d’Italie sont des fusées d’or au-dessus des champs. Mêlés aux grandes taches rouges des épine-vinettes, tout ça commence à constituer la palette d’une arrière-saison qui a encore une chance d’être belle - si la météo ne la mange pas.

Mais il faut repartir. Du sommet de l’Esillon au col de la Gardette, la crête ne présente aucune difficulté et il y a généralement moyen de contourner la neige. Puis c’est la longue redescente vers Chorges, à travers forêts et prairies, en me retournant souvent car sous cet angle l’Esillon présente un aspect autrement plus impressionnant que la crête débonnaire que je viens de parcourir. Bref : une balade dont j’aurai savouré absolument tous les instants !

. Randonnée réalisée le 8 octobre 2020

. Dernière modification : 10 octobre 2020 (Avertissements et Droits d'auteur)

Auteur :

Réagissez !

  • C’est bô avec la neige.
    J’aime beaucoup la photo 4.
    Pour la chatière, je n’ai pas pu passer avec le sac, et il est pas gros.
    Quand a moi, je n’aurais pas pu suppléer Henry Calvin dans le rôle du sergent Garcia aux côtés de Guy Williams.

    Le 10 octobre 2020 à 13h11
  • 😄
    Une seule explication ; l’érosion ! Tous ces randonneurs successifs qui se sont, l’un après l’autre, tortillés dans le passage en se jurant "Demain j’arrête la binouse"....

    Le 10 octobre 2020 à 19h23
  • Des photos superbes et encore un texte bien plaisant à lire !
    C’est vrai que ce jeudi 8 la lumière était fabuleuse en montagne... En espérant encore quelques belles journées pour sauver cette fin de saison tronquée !

    Le 10 octobre 2020 à 22h36
Chargement en cours Chargement en cours...
Veuillez patienter ...
Nouveau commentaire
Nous vous conseillons de vous connecter !

Nous posons cette question pour lutter contre le spam.

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

En postant votre message, vous acceptez la charte d'utilisation des commentaires.

Autres sorties

Retrouvez les récits et photos de randonneurs ayant déjà parcouru cet itinéraire.

  • Sortie du 28 octobre 2020 par Hugo Lmt
  • Sortie du 16 avril 2017 par Mick1018
  • Sortie du 2 septembre 2016 par Dyn’s

Ces randos pourraient vous intéresser :

L’Esillon sommet et crêtes

Pic de Morgon (2324m) par les Traverses, Morgonnet (1754m), (...)

Pointe de Serre (2909m) et Mourre Froid (2993m)