Sortie du 26 août 2021 par Forêts-myrtilles-et-caillasse Traversée des Rochers de l’Ours (2038m), par le Col de l’Arc et la Pierre Vivari

Températures agréables, crêtes accrochées à la mi-journée.

J’en étais donc aux Rochers de l’Ours. Météo capricieuse, chutes de neige précoces, esprit timoré : mes deux dernières visites s’y étaient soldées par des échecs. Aujourd’hui, en cette fin d’été timide, j’ai bon espoir de pouvoir profiter de cette crête débonnaire et solitaire, curieusement délaissée alors que le panorama y vaut son pesant d’or.

Je pars de la gare routière de Villard-de-Lans, en ayant l’intention de faire la boucle par le Col de l’Arc en passant par les prairies de Machiret, emprunter un bout du sentier balcon et remonter les pentes Est sous la Pierre Vivari en profitant pour aller rendre visite aux vires sous les Rochers de l’Ours, enserrées dans des lames calcaires bien pittoresques et redescendre par la Combe Chaulange. Un programme qui me réjouit d’avance, d’autant que sur le plateau, le ciel est d’un bleu parfait.

La traversée des hameaux, des bosquets et des pâturages au-dessus du bourg dans l’air frais du matin est un petit bonheur facile. La lumière encore rasante, l’éveil des bêtes, la rosée qui perle sur les pétales de fleur, le corps qui se réveille doucement dans la marche facile : tout semble bien simple dans ces moments-là.

C’est donc dans un état d’esprit parfaitement serein que j’aborde les prairies de Machiret. Au loin il me semble entendre comme des sonnailles. Au fur et à mesure que je progresse en direction du col de l’Arc, les sonnailles ressemblent de plus en plus à des éclats de voix et bientôt j’entends clairement le son d’un attroupement. Je me dis qu’il doit y avoir une manifestation ou quelque chose de ce genre. C’est en parfaite dissonance avec l’impression de calme qui règne alentours et la curiosité piquée, je me perds en conjectures.

En fait de manifestation, il s’agit d’un très grand groupe de marche, une vingtaine de personnes. Mais le chemin étant large, ils progressent à deux ou trois de front, formant une sorte d’essaim bruissant où les éclats de voix se mêlent aux rires. A chaque replat, ils s’arrêtent un peu pour mieux célébrer leur joie d’être ensemble. Seuls au monde, la nature pour décor. Heureusement ils ne marchent pas bien vite et rapidement la clameur se dissipe derrière dans la forêt.

Le relais est pris un peu plus haut. Une course de trail est organisée autour du Pic Saint-Michel et les dossards défilent. Il s’agit visiblement d’une manifestation organisée par une école pour l’intégration des élèves. Il y a des fanions, des rubalises et des encouragements. Une quinzaine de chasseurs-alpins redescendent du Col, les promeneurs se croisent, se tassent sur le talus pour laisser passer les coureurs. C’est carrément la foire aujourd’hui ! Heureusement, il fait bon, le ciel est toujours limpide et je sais que je vais laisser tout ce beau monde derrière moi une fois que j’aurais pris pied sur le sentier des deux cols !

Effectivement, cent mètres au sud plus loin et c’est la solitude. Plus un chat, le silence règne en maître et on entend le vent dans les pierres. Une belle mer de nuages tapisse la vallée et quelques langues remontent parfois les pentes. Et puis c’est la marée. En moins de trente minutes, la mer remonte très vite et alors que je quitte le sentier des deux cols pour saisir la très bonne sente en rive droite du thalweg qui mène à la crête, je me fais happer.

La purée de poix va m’accompagner jusqu’au sommet. De temps à autre, une éclaircie fugace laisse apparaître une crête rocheuse ou un bout de plateau plus bas. J’enfile ma doudoune pour manger un peu et de la mélasse surgissent deux personnes. Ils viennent de Lyon et avaient pour première intention le Pic Saint-Michel par le col de l’Arc en partant des Allières mais ils se sont perdus et se sont retrouvés au sommet des Rochers de l’Ours en passant par le plateau du Cornafion ! Pas mal.

Je reste encore un moment dans la froidure en espérant que les nuages se dissipent un peu mais en vain. Je jette l’éponge au bout d’une bonne heure et bascule vers la combe Chaulange. Je ne suis même pas arrivé au GR que les crêtes se dégagent ! J’ai envie de grincer un peu des dents mais c’est mauvais pour la santé et les pentes colorées par la bruyère délicatement butinée par de nombreux papillons me font rapidement oublier cette petite déconvenue. C’est finalement pas si mal que ça ici aussi et je passe un long moment dans ce bain floral de fin d’été . En contrebas, sur le plateau, l’ombre des nuages détachés des crêtes court sur les prairies fauchées.