Sortie du 21 mars 2022 par CourtePatte Brec d’Utelle (1604m) et Castel Ginesté (1344m) en enchaînement par la Crête de l’Escandolier

Beau temps, mais visibilité assez dégradée.

Pour moi aussi, cette sortie au Brec d’Utelle est une manière de pèlerinage. Car ce topo, repéré il y a deux ans, était au programme pour mars 2020... Les printemps 2020 et 2021 ayant été successivement confisqués, aujourd’hui c’est la revanche.

Il y a des montagnes dont l’ascension n’est qu’une sorte de corvée permettant d’accéder au sommet ; ce n’est pas le cas pour celle-ci. L’itinéraire de montée est un plaisir de tous les instants. Il y a des passages sur des corniches rocheuses où le regard plonge dans des replis bleuâtres vers le fil de la Vésubie là-bas dans l’ombre ; il y a des sentiers de sous-bois tachés de soleil au flanc d’anciennes terrasses. Il y a des touffes grises de thym dont le moindre frôlement exhale une haleine méditerranéenne ; et surtout il y a, parmi le roux des feuilles mortes, toute la mosaïque du printemps : primevères, hépatiques et érythrones.

Je n’avais jamais vu autant d’érythrones, cette plante remarquable tant pour l’étoile de mer de sa fleur que pour le dessin de son feuillage. Ce dernier est une espèce de treillis militaire au motif étrangement flou - on croit devoir cligner des yeux pour refaire la mise au point. Je passe un bon moment à les canarder de l’appareil photo avant de m’aviser que pendant ce temps le Brec ne se rapproche pas.

La remontée de la croupe sud du Castel Ginesté ne présente pas de difficultés, il y a presque une sente, et j’apprécie d’autant l’itinéraire que la proximité d’Utelle où luisent de nombreuses carrosseries me donne à comprendre que le GR risque d’être assez fréquenté. Ce sentiment ne sera pas démenti lorsque, depuis la vire nord du Castel Ginesté, je vois le fil de ce GR en contrebas : bien net, bien large... La vire, c’est autre chose.

C’est même tellement autre chose que j’en prends pour un peu plus que prévu, de cette vire. Emportée par mon élan et ne disposant pas des photos du topo, je dépasse la "pente herbeuse" qu’il fallait remonter pour accéder à la crête sous le Castel Ginesté. Et sur quelques dizaines de mètres, la vire présente alors une brève succession de passages qui me sortent de ma zone de confort. Le genre où je vérifie deux fois les prises de main comme de pied avant de m’engager au-dessus d’un vide assez présent... Et puis tout s’arrange, la vire redevenue spacieuse mène à une sorte d’escalier rocheux qui me dépose sur la crête. Le Castel Ginesté s’est déjà éloigné derrière moi, tant pis, je fais désormais route sur la crête vers les murailles du Brec.

La montée au sommet est d’autant plus facile qu’outre les cairns, les marques de passage rendent l’itinéraire très lisible. Quant à la vue... La lumière très poudreuse ne m’avait guère laissé d’illusions, ce ne sera pas un jour à voir la Corse. Mais tout estompés qu’ils soient, les sommets bruns et blancs du Mercantour, à l’est, méritent quand même le coup d’œil ; tout comme le diorama d’ombres chinoises des croupes qui s’organisent autour du Mont Vial, de l’autre côté du Var.

La suite de ma balade n’appartient pas à ce topo puisque je vais descendre sur la Tinée en traversant la vallée du ruisseau de Saint-Jean et le village perché de La Tour. J’y aurai un dernier aperçu du Brec, hiératique au-dessus des pentes boisées. Une "petite" montagne qui a des airs de grande !