Sortie du 26 avril 2023 par jean331 Cime du Belletz (2610m)

Temps beau malgré un petit voile dans le ciel, température douce dans les vallons, vent froid sur les arêtes. Très peu de neige jusqu’à la Combe de Clôt Barrat, l’ascension de la Cime de Belletz se fait sur du terrain sec quasiment jusqu’au sommet. En revanche, la montée au Pepoiri puis l’arête jusqu’au Mont Pétoumier se déroulent dans la neige, plutôt portante.

La Colmiane est une toute petite station de ski du 06, perchée à cheval entre les vallées de la Tinée et de la Vésubie. Le complexe touristique, fort modeste, se limite à un immeuble, une galerie commerciale et quelques chalets lovés dans la belle forêt d’épineux qui s’étend sur les deux versants du Col Saint-Martin. Si sa notoriété en matière de ski ne dépasse pas le département des Alpes-Maritimes, la Colmiane est aussi le point de départ de nombreuses randonnées vers le cœur du Massif du Mercantour et de nombreux lacs. C’est un coin que j’affectionne tout particulièrement et je reviens régulièrement quand je passe dans la région.

En ce mercredi 26 avril, on dirait qu’il n’y a pas un chat dans le village (la saison de ski est finie depuis belle lurette par ici). Je traverse le grand parking central complètement désert et longe les devantures fermées de la galerie commerciale à l’architecture typiquement années 60 (ce n’est pas un compliment).

L’idée du jour est de visiter la Cime de Belletz et le Mont Pepoiri, deux sommets que j’ai gravis il y a...oula, bien longtemps quand j’étais jeune et fou.

Contrairement au topo proposé sur le site, je décide d’ignorer le sentier de la Via Ferrata, et j’opte pour la piste qui traverse la pinède en direction du peu connu Vallon Anduebis. Il faut dire que les sommets de la crête frontière situés plein est apparaissent en ombres chinoises dans le contre-jour du matin et que réaliser la balade en sens inverse me permettra de réaliser la partie panoramique en seconde partie de journée.

J’emprunte le sentier balcon qui serpente sur les flancs du Baus de la Frema et la forêt disparaît peu à peu tandis que la vue se dégage sur le premier objectif du jour, la Cime de Belletz. Au détour d’un virage, je repère quelques chamois à une centaine de mètres. Je tente de m’approcher silencieusement pour les photographier de plus près, mais alors que je suis encore à une distance respectable, je me fais repérer comme un bleu, le groupe détale dans les pierriers à toute berzingue. Échec monumental.

La faible quantité de neige présente en cette fin avril 2023 transforme la traversée des pentes raides qui descendent du Mont Pétoumier en une formalité. Dans des conditions "normales" pour la saison, ce passage nécessiterait probablement un minimum de vigilance.

Un raide verrou au-dessus des Vacheries Anduebis permet d’arriver aux trois petits lacs du Baus du Chastel. L’enneigement est un peu plus important désormais, ce qui rend le sentier invisible, mais l’itinéraire est évident. Je contourne par la droite les barres rocheuses qui dominent les lacs pour gagner la petite Combe du Clot Barrat puis la crête entre le Mont Pépoiri et la Cime de Belletz.

Il ne reste plus qu’à suivre l’arête sur la droite, d’abord herbeuse puis rocheuse dans le final pour atteindre le sommet de la Cime de Belletz. De ce sommet, la vue est vaste : Argentera, Vallon de Mollières, Haute Tinée, Gordolasque, massifs côtiers et plein nord, une belle ouverture sur les reliefs de l’Ubaye (et notamment le Brec et les Aiguilles de Chambéyron).

Plus près, l’asymétrie de la vallée de la Vésubie saute aux yeux. La rive gauche, bordée d’imposants versants et de sommets aux profils élancés culminant à plus de 3000m semble regarder de haut les formes lourdes des points hauts de la rive droite qui effleurent à peine la barre des 2000. Un autre particularisme de cette vallée est qu’elle est à la fois plus courte et plus proche de la mer que ses voisines de la Tinée et du Var, et pourtant, c’est dans son bassin qu’on trouve les plus hauts sommets du département.

Après avoir redescendu l’Arête de Belletz, le Col du Clot Barrat marque le début de la deuxième ascension du jour, le Mont Pepoiri. L’arête sommitale est enneigée, ce qui donne presque des allures de grandes montagnes à ce sommet pourtant modeste.
Le panorama s’ouvre vers le vallon de Millefonts, paysage désolé d’herbes jaunies par l’hiver et de lacs blafards encore coincés dans leurs gangues de glace. Le début du printemps en montagne est définitivement mélancolique.

La suite de la balade est une longue descente le long de la crête entrecoupée de courtes remontées, histoire de visiter les sommets du Mont Pétoumier, de la Tête du Brec et du Baus de la Frema. Alors que je profite des derniers névés pour tester la vitalité de mes cuisseaux à coup de grandes glissades en ramasse, la verdure illumine la cuvette de Valdeblore, tout en bas : deux étages, deux ambiances, j’ai les pieds en hiver, mais dans les vallées, c’est presque l’été.

Plus loin, je dévale les dernières pentes à découvert farcies de bosquets de Rhododendrons avant de retrouver la profonde forêt. La balade touche à sa fin.

Changement d’atmosphère par rapport au matin en arrivant à la Colmiane, le parking est bondé et la plupart des commerces ouverts. Beaucoup de familles sont attablées sur la terrasse de l’unique restaurant, d’autres "siestent" le long du lac artificiel. À l’arrêt de bus, un monsieur engage la conversation. Il descend faire ses courses à Saint-Martin, et remontera avec la dernière navette de la journée, car il vit ici à l’année, comme 40 autres personnes. Je lui confie ma surprise, moi qui pensais que le village était désert. Il m’apprend que dans la journée, il n’y a pas grand monde hormis les vacanciers, car les gens travaillent pour la plupart à Nice. Mais si je venais le soir, je constaterais qu’il y a beaucoup de fenêtres éclairées, insiste-t-il.
Et avec une perspicacité qui l’honore, il conclut, "vous qui avez l’air d’aimer marcher, vous avez le choix questions balades par ici".

Dans le bus 90 qui me ramène vers la Côte, je repense à ces derniers mots qui résonnent d’un écho particulier pour moi qui ait un jour fait le choix de quitter cette région pour m’installer à l’autre bout du pays. Je fréquente les lieux depuis mon enfance et pourtant, j’aurais encore tellement de vallons méconnus et de cimes discrètes à découvrir dans ce massif que j’aime tant. Le Mercantour aura toujours un petit goût d’inachevé pour moi.

Le bus se faufile sur la route vertigineuse des Gorges de la Vésubie, les touristes filment avec leurs téléphones les passages les plus impressionnants.
Je ferme les yeux et laisse mes pensées vagabonder encore un moment sur les crêtes.

Les photos en musique (une fois la vidéo lancée, cliquer sur les paramètres (le petit écrou en bas à droite) et régler sur 1080P pour une bonne résolution)