Sortie du 7 septembre 2023 par CourtePatte Balaïtous (3143m) par le refuge de Larribet et la Grande Diagonale

Visibilité dégradée en raison du sable présent dans l’atmosphère
Globalement beau, mais nuages sur le relief à partir de l’après-midi

C’est à cause de Sylvain.

Déjà l’un de ses topos de mai (ici) m’avait donné une grande envie de retourner dans les Pyrénées. Et lorsque j’ai vu la sortie sur le Balaïtous (là), un sommet qui n’avait jamais retenu mon attention auparavant, cette envie a changé de magnitude. Parce qu’il y avait les photos et la description, bien sûr ; mais l’estocade c’est cette idée de "Grande Diagonale". Si ça s’était appelé "la Rampe Grise" ou "le Couloir Oblique" - qui conviendraient tout aussi bien - pas sûr que ça m’aurait produit un tel effet ; mais c’est la Grande Diagonale : irrésistible.

Et voilà comment on part, sac de bivouac au dos, pour le seul massif de France où non seulement les vues étaient garanties médiocres en raison des sables atmosphériques, mais une bonne couche nuageuse était annoncée sur les reliefs dès le début de l’après-midi. M’en fiche : je veux ma Grande Diagonale, et mon ambiance Pyrénées.

Soyons honnêtes : le topo d’AR, à lui seul, aurait été trop succinct pour moi et j’ai complété ma préparation par celui de topopyrénées. Ainsi il conviendrait probablement de signaler que le Col Noir, d’après la plupart des forums, est désormais tombé en défaveur au profit de la Brèche des Ciseaux voisine.

Il n’existe bien sûr pas "une" ambiance Pyrénées. Mais il y a ces sous-bois humides et mystérieux encombrés de mousses et de cours d’eau, ces pins anciens qui atteignent ici la dignité des vieux épicéas, ces vallons à fond plat où les torrents s’étalent comme une soie. Je profite de tout cela en remontant la vallée de Larribet ; et tout au long du parcours, des lacs, des lacs. L’eau a ici des transparences de pierre précieuse.

Parvenue au-dessus des lacs de Micoulaou, sous la Brèche des Ciseaux, je me déleste d’une partie de mon chargement car c’est là que je décide que je reviendrai passer la nuit ; et j’entame l’ascension résolument minérale des pentes d’éboulis sous la frontière.

Passé l’abri Michaud, petite déception. Elle n’est pas encore là cette Grande Diagonale ? Ben non. Il faut encore s’enfiler de l’éboulis et du pierrier. Heureusement il y a déjà des vues extraordinaires sur les lacs d’Ariel, et le Gourd Glacé, et une marée de sommets français ou espagnols dont je ne sais à peu près rien ; malgré le sable qui dégrade considérablement la visibilité le spectacle est encore magique.

Enfin je parviens en vue de la grande rayure oblique qui m’avait tant fait envie. Pas trop tôt ! même s’il faut encore exécuter quelques pas de grimpette pour y prendre pied ; heureusement le trajet est bien cairné, et l’exposition est modérée. Finalement elle ne représente pas une bien grande partie de l’ascension cette diagonale, mais elle est exactement comme j’imaginais : ludique et un peu onirique.

Après cela, un ou deux passages en vire, encore un petit couloir, et c’est le sommet. Où, comme prévu, les nuages ne me délivrent qu’un 180° au lieu du 360° offert à des randonneurs plus chanceux ou plus méritants ; mais je me contente aisément de ces demi-vues. Espagne, France, les yeux des lacs au bas des reliefs griffés de failles, il y a de quoi passer là un grand moment.

Je réalise avec surprise que je suis complètement éreintée. C’est probablement l’ascension la plus physique que j’aie jamais faite, et je ne comprends toujours pas bien pourquoi : un mois auparavant j’ai pourtant traversé le Ténibre en partant du Bourguet, soit plus de 2000m de D+ sans alléger le sac de bivouac. La seule explication que je peux trouver c’est que pour le Balaïtous les derniers 800m sont continuellement en terrain rugueux...J’échange avec une jeune Espagnole au sommet, et elle éprouve exactement la même sensation, alors qu’elle est montée, côté espagnol, par l’itinéraire des lacs d’Ariel.
Nous sympathisons et, bonnes dernières au sommet, nous descendons ensemble en bavardant comme des pies. Si bien que la durée et la difficulté de la descente nous paraîtront sans commune mesure avec la montée ! Et maintenant je sais dire "cairn" en espagnol.

Le lendemain, avant de redescendre sur le Plan d’Aste, je prends le temps de monter aux passes de la Barane et de crapahuter un peu dans les pentes. Les roches sont là plus variées que sur les flancs du Balaïtous, et j’en redescends avec plus de questions que je n’y étais montée. Oh mais ça tombe bien dis donc : il faudra revenir !