Sortie du 18 décembre 2020 par Forêts-myrtilles-et-caillasse Pas des Terreaux (1690m) en boucle par la Cabane du Berger et la Prairie des Ayes

Doux au départ, vent froid au dessus de 1600m. La neige a pris une claque, quelle différence en l’espace d’une semaine ! Ciel changeant avec des éclaircies et des brumes.

Ce matin, j’hésite à sortir, le ciel est plombé, loin des promesses de beau temps annoncées par les oracles météorologiques. Il est un peu moins de 10h et un rayon fugace illumine le salon et mon envie d’aller là-haut. Le bus est dans une toute petite demi-heure, je fourre à la va-vite dans mon sac toujours prêt mon thermos, un sachet de "mélange exotique", un morceau de pain, un bloc de gruyère, deux clémentines, vérifie que la carte mémoire est dans l’appareil, avale une banane, deux nounours en chocolat et me carapate vers l’arrêt de bus. Ouf ! Juste à temps !

Un quart d’heure plus tard, me voilà à Saint-Pancrasse. Plus un poil de neige dans les prairies, il fait outrageusement doux et je range bien vite ma doudoune dans le sac. Du bleu a gagné le ciel, mésanges, geais et rouge-gorges en fond sonore, je savoure une nouvelle fois la douce montée dans la forêt du Boutat. Le torrent de la Gorgette, gonflé par la fonte de la neige ronfle et résonne dans le ravin, et tout en haut la Dent coiffée d’un nuage a des airs de grande dame.

J’ai hâte d’arriver à la Prairie, alors je trace et dépasse la piste de la Gorgette sans un regard en arrière vers ce bout du monde que j’affectionne tant. Je transpire un peu dans la montée sans chichi qui borde le ravin, la neige fait peu à peu son apparition, une vieille neige tassée par le passage, ramollie par les températures bien au dessus du point de congélation. En bas de la Prairie, protégée par les arbres il y a plus de neige et je m’enfonce à certains endroits jusqu’à mi mollet. Une neige toute molle et transformée qui ne crisse plus du tout. Bientôt, l’herbe fait son apparition et ce ne sont plus que névés disparates qui décorent la pente. Je continue l’ascension jusqu’à mon poste d’observation favori, un peu en dessous de la bifurcation vers le Pas des Terreaux. Car bien évidemment, hors de question d’aller s’aventurer dans ces pentes exposées tant qu’il y aura du blanc. C’est bon pour les chamois mais pas pour moi bipède maladroit.

Des chamois, il y en a pléthore aujourd’hui, bien contents de faire bombance de la végétation mise à nue par la douceur et les pluies de ces jours derniers. La compagnie au grand complet est là et je me tiens à distance pour ne pas les déranger dans leur repas. D’autres promeneurs n’auront pas cet égard et les voilà qui fuient sous les barres de la Dent, au dessus de l’itinéraire du Pas de l’Oeille. Peu de temps plus tard les voilà de nouveau contraints à un sprint par un skieur descendu des hauteurs, vers les prairies suspendues en direction de la vire de la Face Est. La harde se sépare et une partie rejoint les pentes tranquilles sous le Pas des Terreaux.

Je grimpe encore un peu presque sous les premières barres qui défendent le sommet et tombe sur un cuissot de chamois. L’os est brisé, la viande bien nettoyé. Loup y es-tu ? Ou bien le lynx serait-il dans les parages ? A moins que ce ne soit l’aigle qui en ait fait son affaire ? Je ne saurais dire, mais l’animal a bien été croqué. Je me fourre dans un buisson confortable, empile les couches, le vent est maintenant bien présent et ça caille ! Au dessus de la Dent, un gros oiseau fait du sur place, bientôt délogé par des chocards hargneux. C’est l’aigle de Saint-Pancrasse ! Il plonge vers la Gorgette vire vers le Pas de l’Oeille et trace, royal mais piteux mais vers le sud, décoré des rayons du soleil se faufilant au travers des nuages.

Le temps coule, impassible, les chamois sont redescendus, la roche se colore. Le froid, le vent, sont de bien faibles désagréments, face à l’ivresse et la joie qui s’emparent de moi. A bientôt, ma jolie Prairie.