Sortie du 23 août 2022 par CourtePatte Grand Pic de la Lauzière (2829m) par la Combe de la Valette (Voie normale)

Le relief austère des parois de granite zébrées de griffures, un terrain malcommode, des lambeaux de glacier : tout concourt à donner à cette ascension quelque peu exigeante un petit air de haute montagne.

Itinéraire, carte // Fiche topo

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Conditions météo

Grand beau

Récit de la sortie

Remarque : je pense que le classement de ce topo en "Alpinisme" reste judicieux, même si comme moi on effectue cette sortie en version "randonnée". Essentiellement pour deux raisons :

  • pénibilité du pierrier instable.
  • le risque de chutes de pierres sous la paroi en rive gauche du glacier est bien réel (voir récit), même si toutes les sources que j’avais consultées s’accordaient à dire qu’elles n’avaient pas observé le phénomène, y compris en conditions estivales.

Un jour de météo blafarde en novembre de l’année dernière où j’avais l’humeur à la découverte, il m’était venu l’envie d’explorer, au départ d’Epierre, les sentiers forestiers qui mènent aux pentes de la Lauzière. J’ignorais tout de ce massif, et lorsque j’avais débouché sous la Grande Coutire j’avais été éblouie par la beauté de ces parois taillées à la serpe, délicatement fardées par les premières neiges : photo

Alors, depuis, grosse envie d’aller voir de plus près ces reliefs granitiques si particuliers. Afin de profiter un peu du massif j’y vais en bivouac, pour deux jours ; et dans une approche très « touriste collectionneur de points culminants » je vais commencer par tenter le Grand Pic de la Lauzière.

Les coups de chalumeau de la météo de cet été m’ont rendue paranoïaque, et j’aborde la montée de la Combe de la Valette avec 4 litres d’eau dans le sac. Je sais qu’il reste des lambeaux de glacier sous le Grand Pic mais...paranoïaque je vous dis. Evidemment, la rumeur des torrents dans la combe ne tarde guère à me faire comprendre le ridicule de ces précautions, mais je préfère être ridicule que déshydratée.
On monte d’abord dans un décor très bucolique : alpages, torrents, il y a même des vaches. Le sentier se faufile dans la fourrure rase des buissons d’éricacées garnies de baies : myrtilles, airelles rouges, airelles bleues, etc. Mais de part et d’autre de la combe, la silhouette des grandes sentinelles et leur farine de pierriers annonce l’approche de la montagne minérale.

Bientôt l’on aborde les premiers éboulis. Ils sont faits d’un beau granite pâle ; il y suppure parfois des cristallisations de quartz qui justifient la réputation du massif auprès des chasseurs de minéraux. Après les myrtilles et les airelles, des cristaux. Non ! à ce train-là, je n’arriverai jamais à ce Grand Pic.

Mais si, je vais y arriver. La preuve : j’ai maintenant en vue les premières nappes blanches. Et c’est la surprise. Météo caniculaire ou non, il me semble que le premier "fond de glacier" est plus enneigé que sur les photos du topo. L’itinéraire de contournement indiqué en première photo m’y est interdit par une sorte de grande lèvre retroussée au ras de la roche. Intimidée, j’essaie d’abord de passer en grimpant plus haut sur la droite, mais je m’avise qu’il me faudra traverser plusieurs "failles" entre les dalles et j’ignore si elles seront toutes praticables : demi-tour. Heureusement que ce n’est pas mon premier exercice dans le genre avec le sac de bivouac, qui me rend manœuvrante comme un semi-remorque.
Je me décide alors à remonter directement et prudemment sur le glacier/névé. Me voici dans le « petit couloir » du topo. Qui m’emmène tout droit dans un nouveau névé...Là encore je passe au mieux, tantôt sur la neige, tantôt au flanc des blocs qui bordent le couloir. Jusque-là, ça va. C’est le moment de me défaire d’une bonne partie de mon chargement : pour la suite de l’ascension je tiens à être plus leste.

Comme indiqué, je rase la paroi en rive gauche du glacier. C’est ici, dit le topo, qu’il vaudrait mieux ne pas traîner. Sauf que c’est également ici que je prends la pleine mesure de ce qu’on appelle « un pierrier instable ». Chaque appui est susceptible de réserver une surprise ; même les gros blocs s’ébranlent sous le pied.
Dieu merci, la paroi au-dessus de moi semble à peu près muette ; en revanche, en rive droite du glacier, j’entends régulièrement rouler les castagnettes des pierres qui se dérochent. Pourtant, malgré l’effort physique et l’austérité de l’endroit, c’est encore beau cet éventail de glace qui drape le creux de la pente...

L’accès à l’arête n’est pas très rassurant : il me faut par moments mettre les mains, et je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour trouver une prise qui ne me reste pas entre les doigts. Ça, je n’avais pas encore vu aujourd’hui ; et je me dis que si c’est là un avant-goût de la qualité du terrain pour monter au sommet, il faut que je me tienne prête à y renoncer. Hé bien pas du tout ! Une fois dans la pente sommitale, le rocher devient globalement bon, ce qui est heureux car il y faut quelques pas aériens ; et il se trouve là de rares cairns toujours judicieusement placés pour éviter les tergiversations. Je suis presque surprise de déboucher soudain sous les croix sommitales : me voilà arrivée !

Voyons ces vues. On se régale, sur ce perchoir. Des Grandes Rousses à la Vanoise en passant par le Mont Blanc et les Bauges, c’est une nouvelle leçon de géographie en plein ciel.

Me voilà brièvement Reine de la Lauzière. Mais pendant que je savoure mon casse-croûte sommital, j’entends soudain comme une détonation prolongée d’un grand fracas. Ça, c’est un gros bloc qui vient de dégringoler. Et ce qui est ennuyeux, c’est qu’il m’a bien semblé que le bruit venait de la rive gauche du glacier, sous cette fameuse paroi...J’en suis au dessert, un peu plus tard, lorsque j’entends une nouvelle canonnade. Cette fois je l’ai bien vu : un bloc de la taille d’un petit banc qui rebondit sur les éboulis, à peu près au même endroit. L’idée qu’en redescendant je vais brièvement devoir jouer à la roulette russe ne fait évidemment rien pour ma sérénité. Mais bon : gamberger n’y changera rien...Alors je retourne à mon euphorie et ma tartelette à la framboise.

Comme souvent, la redescente du sommet me paraît plus facile que l’ascension ne laissait anticiper. Même le raidillon sous l’arête passe sans difficulté remarquable. Le pierrier abominable est toujours abominable, mais il me semble que j’ai acquis un peu de technique...La sinistre paroi me laisse passer sans un frémissement. Ouf !

Me voici au névé près duquel j’ai laissé mes affaires...et comme il se doit, j’ai un petit moment de doute : quel est donc ce rocher "si remarquable" au pied duquel j’ai déposé mon chargement ? J’en visite trois avant de retrouver le bon.

La combe de la Valette est plongée dans l’ombre lorsque je parviens à l’intersection avec le GR. C’est ici que nos chemins se séparent, car je me dirige désormais vers la combe d’Entre Deux Roches près de laquelle je vais passer la nuit. Mais ceci est une autre histoire...

. Randonnée réalisée le 23 août 2022

. Dernière modification : 26 août 2022 (Avertissements et Droits d'auteur)

Auteur :

Réagissez !

  • Bonjour,
    Récit très agréable à lire...à titre personnel je pensais que le glacier (à l’altitude relativement modeste) avait disparu après ce printemps et cet été sec et caniculaire (plus les années précédentes en déficit de neige)... évidemment pas de quoi se réjouir (sa disparition est proche malheureusement), mais un peu surpris de la glace encore présente à cette altitude et en comparaison avec d’autres massifs.

    Le 2 septembre 2022 à 09h39
  • Merci ! Pour ce qui est du glacier, il m’avait semblé que l’enneigement de cet hiver en Lauzière n’avait pas été insignifiant (ça semble corroboré par les névés que j’ai rencontrés) : possible que le glacier ait été légèrement protégé cet été, au moins pendant les premiers épisodes de chaleur.
    Mais c’est vrai que désormais il a presque un caractère anachronique...

    Le 2 septembre 2022 à 16h46
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