Sortie du 18 novembre 2019 par Dyn’s Vallon de la Jarjatte - Cascade de Mougious

Voilé avec brumes sur les crêtes.

Le vallon de la Jarjatte est un lieu qui touche le merveilleux, un véritable décor de carte postale. Je l’ai découvert en mai 2015, je venais tout juste de me faire embaucher au centre de vacances, j’en suis tombé littéralement amoureux. Bordé par des crêtes semblant inaccessibles et des aiguilles dont lesquelles je ne m’étais jamais imaginé fouler un jour leurs cimes... J’y ai pourtant vécu certaines de mes plus formidables expériences en montagne, comme ma première ascension du Roc de Garnesier en solitaire, qui fut incontestablement dantesque, j’en garde un souvenir indélébile, comme marqué au fer rouge au plus profond de mon être... Je connais ces reliefs comme ma poche pour les avoir régulièrement arpenté, il n’y a pas un sommet que j’ai foulé qu’une seule fois...

Mais lorsque que l’envie première est de me promener sans autre objectif que de flâner et de s’abandonner aux joies de la contemplation, je pars souvent faire le tour du vallon. Une balade parfaite pour s’aérer, se vider l’esprit, renouer contact avec les éléments. Ce tour, je l’ai effectué maintes et maintes fois, à toute saison, dans des ambiances parfois extraordinaires comme celle de ce 18 novembre où la première grosse chute de neige de la saison venait tout juste de tomber.

Cela fait trois jours que la neige est arrivée dans les vallées, le décor prend subitement une tournure hivernale. Le ciel est voilé et les brumes entourant les sommets me laisse présager une ambiance de folie. Je pars de suite pour le fond du vallon. C’est un endroit relativement fréquenté en période estivale, il n’est pas rare de croiser des camions aménagés et des campings-cars plantés en bord de route où dans les prairies jouxtant les parkings. Moi-même, j’y ai passé des nuits de tranquillité absolue à scruter le firmament...
Mais à cette période de transition, entre les derniers jours de l’été indien avec ses nombreux cueilleurs de champignons et les vacances de Noël avec ses fondeurs, les lieux sont désertés... Même au village de Lus-la-Croix-Haute, c’est la saison morte...

J’arrive tant bien que mal à me garer à l’endroit le plus large de la route fraîchement déneigée encore à moitié sur l’asphalte. J’aurais du m’arrêter après le camping, mais bon, ce n’est pas aujourd’hui que je vais perturber le trafic ! J’attaque la piste vers la cascade de Mougious. Deux, trois traces de passages seulement parmi les épicéas abondamment plâtrés. Je croise un randonneur à skis, nous discutons brièvement. Je poursuis et finis par sortir de la forêt le long du Buëch. Le cirque de la Jarjatte se dévoile. La Tête du Lauzon, le Rocher Rond et la Rama arborent leur manteau d’hiver. Je retrouve les bois à quelques encablures de la cascade. Les feuillus courbés sous le poids de la neige révèlent une ambiance féerique... Après la dernière pancarte, l’ultime cheminement pour atteindre le pied de la modeste chute d’eau est vierge de traces. C’est contemplatif à souhait...

Je reste planté dans ce décor magique complètement béat... Je me laisse tomber à genoux dans la neige, à l’image d’un fidèle se prosternant devant quelques divinités. Les miennes sont la nature sauvage, la terre qui nous (sup)porte à chaque instant... La Vie elle-même...
J’inventorie avec attention les sculptures de gel éphémères. Peigne de fines stalactites, boule donnant l’illusion d’un visage figé, griffes de dragon tout droit sorties d’une légende remontant à la nuit des temps...

Je reprends mon chemin vers les rives du Buëch. Aujourd’hui, la traversée à gué est bien aisée. Des fois, au printemps, le torrent est tellement fougueux qu’il en est presque impossible de le traverser sans se mouiller. De la rive droite, on prend du recul sur les immenses murailles calcaires, elles s’imposent et intimident. L’effet est des plus saisissants lorsqu’elles se dévoilent partiellement parmi les brumes qui les enrobent... Le ciel voilé donne une impression de grisaille au tableau de maître. Je ne souffre pas d’achromatie, je n’ai ni enclenché le mode monochrome de mon appareil photographique, mais, que je lève les yeux ou que je regarde mes clichés sur mon petit écran, le noir et blanc se manifeste sans conteste. Seuls de rares arbres, vestiges de la grandeur de l’automne, sont parés des dernières couleurs chaudes.

Puis, je passe le parking des randonnées et les Granges des Forêts. Du pont du Buëch, le point de vue est sensationnel sur le cirque avec le torrent. En cherchant bien dans mes dossiers, je dois avoir une photo à chaque saison, à chaque époque de l’année... De l’autre côté, on peut apercevoir le hameau de la Jarjatte sous les géantes parois des Grand et Petit Chamoussets. D’énormes stalactites y coulent. Lors de froid rigoureux, une cascade de glace se forme entièrement du col aux pentes sous les falaises, elle figurait même sur d’ancien topo-guide...
Je récupère ma voiture, puis m’arrête en bas du hameau, la Tête de Garnesier émerge du brouillard tel un navire prenant le large et perçant les flots de sa proue impériale...